TotalEnergies : échauffourées avant une assemblée générale sous haute tension

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avec AFP // Crédit photo : Geoffroy Van der Hasselt / AFP
Plusieurs échauffourées entre police et manifestants pour le climat ont éclaté vendredi matin, avec force usage de gaz lacrymogène, aux abords de la salle parisienne où doit se tenir l'Assemblée générale annuelle de TotalEnergies. Les actionnaires du pétrolier devront notamment se prononcer sur la tragectoire climatique que devra suivre l'entreprise.

Des échauffourées entre police et manifestants pour le climat ont éclaté vendredi matin, avec force usage de gaz lacrymogène, aux abords de la salle parisienne où doit se tenir l'Assemblée générale annuelle de TotalEnergies. Après BP et Shell, c'est le géant français des hydrocarbures TotalEnergies qui se prépare à vivre une assemblée électrique, ciblée par une coalition d'associations qui menace de la bloquer, mais aussi par une partie de ses actionnaires en désaccord avec sa politique climatique.

"L'AG doit se tenir", répétait-on vendredi matin du côté de TotalEnergies, tandis que les premiers actionnaires arrivaient au compte-gouttes. "On ne les lâchera pas", assurait de son côté Marie Cohuet, porte-parole de l'association Alternatiba, pour qui l'entreprise "incarne le pire de ce qui se fait en termes d'exploitation des populations et de la planète". Dès l'aube, des dizaines de manifestants pour le climat ont tenté de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la salle Pleyel, dans les beaux quartiers parisiens.

Interdiction d'utiliser son téléphone portable

Une dizaine d'entre eux, qui s'étaient assis devant l'entrée, ont été délogés par les forces de l'ordre qui, après trois sommations en moins d'une minute par haut-parleur, ont projeté du gaz lacrymogène au milieu du groupe. Des manifestants sont néanmoins restés aux abords de la salle Pleyel, environ une centaine de chaque côté du tronçon de la rue bloqué par des barrages de camions de police et gendarmerie. Cette réunion arrive à la fin d'une saison d'AG houleuses, au cours de laquelle les actions se sont multipliées contre les grands groupes sur fond de profits faramineux : ensemble, les majors BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose.

Signe des tensions attendues, TotalEnergies a interdit aux actionnaires et aux journalistes d'utiliser leurs téléphones portables, les obligeant à laisser certains effets personnels à l'entrée. Le groupe veut surtout éviter le scénario chaotique de l'année dernière quand des militants d'ONG avaient empêché des actionnaires de pénétrer dans l'AG. Les autorités s'attendent à la présence de 200 à 400 personnes qui "veulent absolument empêcher la tenue de l'AG", selon une source policière.

"L'AG de Total n'aura pas lieu", avaient prévenu fin avril dans une tribune 350.org, Alternatiba, Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Greenpeace, Scientifiques en rébellion et XR. "Cette assemblée générale prévoit de perpétuer la stratégie du pétrolier : toujours plus de projets fossiles et une répartition injuste des superprofits qui alimente l'injustice climatique et sociale", dénonçaient-ils.

Vers une hausse du salaire du PDG

Parmi les sujets brûlants, les quelque 1,5 million d'actionnaires individuels, présents ou en ligne, sont appelés à voter sur une résolution consultative émanant de l'organisation d'actionnaires activistes Follow This, qui s'attaque principalement aux émissions indirectes de CO2. Autrement dit, celles liées à l'utilisation du pétrole par ses clients dans les voitures ou pour se chauffer ("scope 3" dans la comptabilité carbone), soit 85% de son empreinte carbone. La coalition d'actionnaires lui demande d'aligner ses objectifs de réduction d'émissions sur l'Accord de Paris de 2015, afin de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle.

Parmi ces 17 investisseurs, qui détiennent près de 1,5% de TotalEnergies, figurent La banque PostaleAM, Edmond de Rotschild AM, La Financière de l'Échiquier. Le groupe recommande de voter contre, jugeant la résolution "contraire aux intérêts" de TotalEnergies, "de ses actionnaires et de ses clients". La major va néanmoins faire valoir ses efforts pour le climat et appelle ses actionnaires à "voter en faveur" de sa propre résolution climatique.

Cette stratégie officielle se concentre surtout sur ses émissions directes, issues de ses opérations et celles liées à l'énergie qu'elle consomme (périmètres dit du "scope 1 et 2"). Même si le groupe n'envisage pas de baisser drastiquement ses émissions directes dans la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacités d'électricité renouvelable d'ici 2030.

Son PDG Patrick Pouyanné, dans une interview à La Croix mercredi, récuse les critiques, et explique qu'il doit notamment répondre à la demande croissante des pays en développement. "Non, TotalEnergies ne peut pas tout seul faire diminuer la demande de pétrole", martèle-t-il, appelant à se concentrer plutôt sur "la fin du charbon". Le groupe est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda, avec le projet controversé de l'oléoduc chauffé Eacop devenu un symbole médiatisé de la lutte anti-pétrole.

Cette polémique s'ajoute à bien d'autres pour TotalEnergies, critiqué pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d'euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une hausse de 10% de sa rémunération pour 2023 est d'ailleurs à l'ordre du jour de l'AG.