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Rémi Duchemin , modifié à
Au lendemain de la mort de deux adolescents dans des affrontements entre bandes rivales dans l’Essonne, le professeur de criminologie Alain Bauer analyse sur Europe 1 ces drames qui s’inscrivent dans un contexte plus global de "violence sociale généralisée", après des décennies "où la médiation s’était imposée".
INTERVIEW

La mort de deux adolescents dans des affrontements entre bandes rivales, mardi dans l’Essonne, a mis cruellement en lumière un phénomène de bandes qui gangrène le département, et même l’Ile-de-France en général. Un phénomène qui n’a rien de nouveau mais qui est en pleine recrudescence depuis plusieurs années, note mercredi sur Europe 1 le criminologue Alain Bauer. "Nous sommes revenus dans une société où la violence est un mode de règlement des conflits, alors que la médiation s'était imposée entre l'après-guerre et les années 1990-2000", analyse-t-il.

Selon le professeur de criminologie au Conservatoire nationale des arts et métiers, c’est donc dans un contexte plus global que s’inscrivent ces drames, celui "d’une violence sociale plutôt généralisée, qu'on trouve sur beaucoup d'autres sujets, y compris lors des événements de type 'gilets jaunes'". Même si ce n’est pas la seule explication. "La perte de la confiance dans les institutions, la perte de contrôle, l'incapacité des institutions, entre trop et rien, à savoir comment traiter notamment les mineurs et les adolescents", énumère Alain Bauer.

"Ces affrontements sont traditionnels, mais jamais ils n'ont été aussi proches en termes de la proximité de l'image"

Cela dit, le phénomène n’est pas nouveau, du moins sur le fond. "Ce qui est nouveau, c'est que ça se voit, que ce soit à cause des réseaux sociaux ou à cause de la télévision", assure Alain Bauer. "Mais si vous prenez Le Petit Parisien ou Le Petit Journal, des éditions papier qui tiraient (entre-deux-guerres) à plusieurs millions d'exemplaires avec une vingtaine d'éditions par jour, vous découvrirez avec stupéfaction que ça faisait la une de la quasi-totalité des éditions", rappelle le criminologue. "Ces affrontements sont traditionnels, mais jamais ils n'ont été aussi proches en termes de la proximité de l'image. Et c'est l'image qui crée l'émotion."

Mais Alain Bauer ne nie pas une recrudescence depuis "une dizaine d’années". "On ne sait pas très bien faire quand on a toujours l'impression qu’il ne faut pas en faire plus que nécessaire, qu'il ne faut pas stigmatiser. D'ailleurs, on n'arrive plus à donner des noms aux choses, aux phénomènes ou aux crimes", déplore-t-il. "Et de ce fait, on est en retrait. Et puis, on intervient dans l'événement. Nous sommes très réactifs, très peu proactifs. C'est l'un des drames du système français.