Réforme du permis de chasse : quelles conséquences pour l’environnement ?

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Les chasseurs ont obtenu la division par deux du prix du permis de chasse national. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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avec AFP , modifié à
La réunion lundi entre Emmanuel Macron et les chasseurs a "achevé de convaincre" Nicolas Hulot de démissionner. La réforme sur la table présente en effet des risques pour la biodiversité.
ON DÉCRYPTE

Les chasseurs ont-ils eu raison de Nicolas Hulot ? A entendre les explications de l’ex-ministre de la Transition écologique, après sa démission surprise mardi matin, c’est une réunion avec des représentants des chasseurs qui a joué le rôle de la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Organisée à l’Élysée par Emmanuel Macron, cette rencontre a débouché sur un accord favorable aux chasseurs et déjà critiqué par les défenseurs de l’environnement. Une réforme en apparence anodine mais aux conséquences pourtant très concrètes.

Un million de chasseurs en France

"Anecdotique mais symptomatique" : voilà comment Nicolas Hulot a lui-même décrit, au micro de France Inter, cette réunion avec les chasseurs. "Un élément a achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça le devrait" et a finalement poussé le militant écologiste à démissionner du gouvernement avec fracas : "J’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité à cette réunion. C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir". Nicolas Hulot fait ici référence à Thierry Coste, représentant de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), puissant lobby qui a obtenu lundi de nouveaux avantages pour les 1,1 million de détenteurs du permis de chasse.

Emmanuel Macron, qui a plusieurs fois exprimé son soutien à la pratique de la chasse, a donné lundi son accord à la baisse du permis national de 400 à 200 euros. Le permis national, contrairement au permis départemental, permet de chasser sur tout le territoire. Il n'est possédé que par environ 10% du million de Français qui pratiquent la chasse chaque année, selon la FNC. Cette baisse, qui n'est pas une surprise dans la mesure où le président avait déjà donné en février son feu vert à une réflexion sur le sujet, n'est pas nécessairement une préoccupation majeure pour les défenseurs de l'environnement.

Une "gestion adaptative" qui fait débat

Ces derniers s'inquiètent surtout de la façon dont sera mise en place la nouvelle gestion des espèces chassables. Actuellement, la liste des espèces chassables, qui compte une soixantaine d'oiseaux et de mammifères, de la gélinotte des bois à l'oie cendrée en passant par le blaireau et le sanglier, est figée. Soit on peut chasser une espèce, soit on ne peut pas, il n’y a pas d’entre-deux. La nouvelle "gestion adaptative", dont le principe avait été retenu dans le plan biodiversité présenté en juillet par Nicolas Hulot, instaure un bilan régulier pour chaque espèce. Ce dernier repose sur un renforcement de la collecte des données sur l'état de conservation des espèces et sur les prélèvements des chasseurs.

 

Les 5 couleuvres que Nicolas Hulot a dû avaler : 

Lors de la réunion de lundi, la liste des six premières espèces qui seront concernées d'ici la fin de l'année par cette "gestion adaptative" a été annoncée, notamment les oies cendrées, les courlis cendrés et les grands tétras. Concrètement, en fonction de l’évolution de la population et de l’habitat de ces espèces, il pourra être possible d’abattre chaque année un certain nombre d’animaux chassables, au-delà des quotas aujourd’hui autorisés (et inversement, de réduire le quota).

Pour "éclairer" les décisions pour chaque espèce, un conseil scientifique doit être mis en place prochainement. Les chasseurs espèrent ainsi que certaines espèces aujourd'hui protégées, comme les cormorans qui selon eux ont proliféré ces dernières années, pourront être ajoutées à la liste. Une perspective dénoncée par les défenseurs de l'environnement qui voudraient que la nouvelle formule ne concerne que les espèces aujourd'hui chassables mais qu'ils considèrent comme en danger et dont ils voudraient réduire les quotas autorisés.

Les associations ne décolèrent pas

"C’est une faute politique grave. En France, on chasse 64 espèces d’oiseaux différentes. La moyenne européenne, c’est 14 espèces seulement. Est-ce qu’on va continuer à dézinguer des animaux qui agonisent ?", réagit le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Allain Bougrain-Dubourg, au micro d’Europe 1. "Je rappelle que la tourterelle des bois a perdu 80% de sa population et pourtant, on en abat encore 100.000 chaque année en France. Pour l’alouette des champs, c’est 500.000. Est-ce qu’on va continuer comme ça longtemps ? C’est ça la gestion de la chasse dans notre pays ?", regrette-t-il.

Allain Bougrain-Dubourg réclame notamment que parmi les 64 espèces d’oiseaux chassables, les 20 qui font partie de la liste rouge de l'Union internationale de conservation de la nature soient immédiatement protégées. De son côté, Brigitte Bardot a dénoncé, par le biais de sa fondation, "la soumission aux chasseurs" d’Emmanuel Macron et la "politique suicidaire, inadmissible, du gouvernement qui condamne la biodiversité".

Cette réforme de la chasse (un "cadeau", selon Brigitte Bardot) aurait dû passer sans faire de bruit. Mais la démission de Nicolas Hulot lui donne aujourd’hui une toute autre résonance. Le dossier est loin d’être clos puisque si le chef de l’État a donné son accord sur les premières mesures, l’intégralité de la réforme est encore à l’état d’ébauche.