En un mois, la plateforme a reçu près de 3.000 appels. 1:42
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Gwladys Laffitte et Ugo Pascolo
Un mois après le lancement de la plateforme anti-discriminations du gouvernement, Europe 1 dresse un premier bilan de son action. Le centre d'appels a reçu près de 3.000 appels, qui concernent essentiellement les discriminations à l'embauche ou au logement. Mais d'après le sociologue Jean-François Amadieu, antidiscriminations.fr a quelques défauts.
DÉCRYPTAGE

C'était en pleine affaire Michel Zecler, ce producteur de musique noir passé à tabac par quatre policiers en décembre dernier : Emmanuel Macron annonçait le lancement d’une "plateforme commune pour que les gens puissent dénoncer de manière très simple, unique et nationale" les discriminations. En place depuis le 12 février, et gérée par le défenseur des droits, la plateforme anti-discriminations.fr a reçu en un mois près de 3.000 appels au 39.28 et 800 signalements sur Internet. 

Une "oreille attentive"

Dans le centre d'appels de la plateforme, ils sont une dizaine à répondre à une centaine de coups de fil au quotidien. "On va vraiment prendre le temps de leur prêter une oreille attentive", explique Nouara, une opératrice. Le plus souvent, les appels concernent des discriminations à l'embauche ou au logement en raison d'un handicap, voire d'un état de santé. Une fois le problème signalé, la plateforme fait ensuite office de médiateur en faisant du "règlement à l'amiable", indique Fabien Dechavanne, le responsable. 

Les opérateurs, qui ont reçu une formation juridique, "essayent de trouver des solutions entre les personnes. Le défenseur des droits n'est ni la police ni un un juge. On va pouvoir interroger un employeur, un bailleur ou toute personne qui est mise en cause et elle est tenue de nous répondre", poursuit-il. 

Pas de signalement d'actes racistes de la part de la police

Sur les milliers d'appels reçus par la plateforme anti-discriminations.fr, aucun ne concerne d'actes racistes de la part des forces de l'ordre. Et c'est étonnant "dans la mesure où elle a été initiée à cet effet", rappelle au micro d'Europe 1 le sociologue et directeur de l'Observatoire des discriminations, Jean-François Amadieu.

De là à dire que les personnes victimes de ces actes ne se sont pas saisi de ce nouvel outil ? Le sociologue se refuse à trancher et évoque un "décalage entre la réalité des discriminations que vivent les Français en général", et celles qui sont dénoncées. 

Des motifs manquants

Mais selon le directeur de l'Observatoire des discriminations, le gros point faible de antidiscriminations.fr est d'avoir mis en avant seulement 6 des 25 motifs de discriminations (origines, handicap, LGBTI, égalité femmes hommes, grand âge, santé) sur le site internet dédié. Ainsi, la discrimination à "l'apparence physique" n'est par exemple pas signalée, alors qu'elle est "le deuxième motif déclaré par les demandeurs d'emplois".

"C'est une situation dont on sous-estime la gravité", ajoute le sociologue, qui rappelle que d'après une note de l'Insee, les femmes obèses ont une probabilité inférieure de 7 points à trouver un emploi, par rapport à une femme de corpulence dans la norme. "Il y a un prisme déformant dans la présentation" sur le site internet, juge-t-il encore.

Une "bonne idée"

De même, le spécialiste des discriminations s'étonne qu'à aucun moment le site de la plateforme ne pointe vers les organisations syndicales, alors qu'une part importante des appels reçus concerne l'emploi. Un fait qui interroge d'autant plus Jean-François Amadieu que "certaines sont très actives sur le sujets des discriminations dans l'emploi". 

Reste qu'avec près de 3.000 appels en un mois, dont 25% qui débouchent sur une réclamation du Défenseur des droits, le sociologue juge que la plateforme a un bon résultat, et rappelle que sa mise en place était "une bonne idée". Bien mais peut mieux faire donc.