Quatre ans après la tuerie du musée juif, Mehdi Nemmouche devant la justice belge

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Margaux Lannuzel avec AFP , modifié à
Le djihadiste, également soupçonné d'avoir été le geôlier d'otages français en Syrie, "brûle de pouvoir dire sa vérité" devant la cour d'assises, selon son avocat.

Quatre personnes tuées en moins d'une minute trente, dans le hall d'entrée du Musée juif de Bruxelles. Le 24 mai 2014,  l'attaque avait ému l'Europe, un an avant celles de Charlie Hebdo et du 13-Novembre. Quatre ans et demi plus tard, le continent tout entier aura les yeux tournés vers la capitale belge, à partir de jeudi : Mehdi Nemmouche, 33 ans, principal suspect du quadruple meurtre, y comparaît jusqu'à fin février, au côté d'un complice présumé. Si la cour d'assises soutient la thèse de l'accusation, le procès pourrait être celui de la première tuerie commise par un combattant djihadiste de retour de Syrie sur le sol européen.  

 

La défense invoque la responsabilité d'agents israéliens. Huit hommes et quatre femmes ont été désignés comme jurés pour ce procès lors d'une journée d'organisation de l'audience, lundi. "Nemmouche, Mehdi, 33 ans, sans profession" : le principal accusé s'est présenté à ce rendez-vous de procédure en pull bleu marine, fine barbe et carrure athlétique. "C'est une épreuve pour lui, évidemment, d'être présent ici. Mais aussi une chance", a affirmé l'un de ses avocats, Sébastien Courtoy. "Ca fait maintenant quelques années qu'il brûle de pouvoir dire sa vérité. (…) Il est très heureux de faire face à un jury. (...) Un juge citoyen, ça se place au-dessus de la raison d'État."

Durant les quatre années qui ont séparé les faits du procès, Me Courtoy, également défenseur de Dieudonné et d'un centre islamique qui avait diffusé un montage comparant un ministre israélien à Adolf Hitler, a déjà évoqué à demi-mot l'hypothèse de la responsabilité d'agents israéliens. Car Mehdi Nemmouche et son coaccusé Nacer Bendrer, un Marseillais de 30 ans, nient les faits qui leurs sont reprochés. Poursuivis pour "assassinat terroriste", ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

Nemmouche, gardien "violent" et admirateur de Mohamed Merah. Sur les bancs des parties civiles, familles et associations juives estiment à l'inverse que les preuves rassemblées sont "accablantes" et établissent que Mehdi Nemmouche est bien l'homme qui a tué un couple de touristes israéliens, une bénévole française et un jeune employé belge du site. Un quadruple assassinat exécuté en 82 secondes, comme s'il était l'oeuvre d'un tueur professionnel.

A l'époque, le natif de Roubaix était revenu depuis peu de Syrie, où il avait combattu dans les rangs djihadistes. Soupçonné d'y avoir été l'un des geôliers de quatre journalistes français, il a été inculpé fin 2017 à Paris et un autre procès se profile pour lui en France. Dans l'enquête française sur cette séquestration, Nemmouche a été dépeint en gardien "violent", tortionnaire de prisonniers syriens et admirateur de Mohamed Merah, l'auteur des tueries visant des juifs et des militaires à Toulouse et Montauban, en 2012.         

"Les auteurs n'ont pas choisi leurs victimes au hasard". Ce sera l'un des enjeux du procès : pour Yohan Benizri, président du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), partie civile à l'audience, le caractère antisémite des assassinats de Bruxelles ne fait aucun doute. "Les auteurs n'ont pas choisi leurs victimes au hasard, mais ils ont clairement ciblé les Juifs", a renchéri lundi Patrick Charlier, directeur d'Unia, agence publique de lutte contre les discriminations qui est également partie civile.

Six jours après la tuerie, Nemmouche avait été arrêté le 30 mai 2014 en possession d'un revolver et d'un fusil d'assaut à la gare routière de Marseille, où s'est ensuite concentrée une partie de l'enquête. C'est là que son co-accusé Nacer Bendrer a été arrêté en décembre 2014, soupçonné de l'avoir aidé à se fournir en armes. En 2009-2010, les deux délinquants avaient fait connaissance à la prison de Salon-de-Provence. Incarcérés dans le même bâtiment, ils étaient décrits comme radicalisés et  faisant du "prosélytisme" auprès des autres détenus musulmans.

Leur proximité est attestée dans l'enquête par 46 contacts téléphoniques en l'espace de quinze jours en avril 2014, époque à laquelle le principal accusé est soupçonné d'avoir préparé son attaque. Durant ces quelques semaines avant la tuerie, ils se seraient vus plusieurs fois à Bruxelles et Marseille. Mais comme Mehdi Nemmouche, Nacer Bendrer nie en bloc. Leur première audition sur le fond du dossier doit avoir lieu mardi prochain.