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La pneumologue qui a, la première, dénoncé les effets mortels du Mediator attend beaucoup du procès qui s’ouvre lundi à Paris. Elle affirme sur Europe 1 que la justice doit faire un exemple pour changer les mentalités.
INTERVIEW

 "Je me pince tous les jours". Quand en 2007, Irène Frachon, pneumologue à Brest, commence à faire un lien entre certains décès et la prise de Mediator, elle ne s’imagine pas que douze ans plus tard, elle serait sur le point d’assister au procès de l’un des plus grands scandales sanitaires que la France a connu. Au total, près de 2.000 personnes sont mortes de pathologies cardiaques suite à la prise du médicament du laboratoire Servier. 23 prévenus, dont 11 personnes morales et 12 personnes physiques, seront sur le banc des accusés, et plusieurs milliers de victimes seront face à eux. "C’est une histoire de fou, une histoire d’argent, une histoire de crime industriel", Martèle Irène Frachon, invitée d’Europe 1 lundi matin.

"Il va falloir que ce procès pénal donne une réponse qui nous rassure un peu. Qu’il nous dise que ce qu’il s’est passé est totalement scandaleux, délictueux, criminel, et doit être sanctionné de façon exemplaire pour qu’on se dise ‘ce n’est pas possible’", prévient Irène Frachon. "Comment est-il possible que dans un pays, dans notre pays, la France, un poison mortel soit resté sur le marché pendant trente ans, distribué à des millions de Français et remboursé par la Sécurité sociale, alors qu’on en connaissait les risques depuis 1997, donc plus de dix ans avant son retrait ?", s’interroge la lanceuse d’alerte.

"Complètement flippant"

Et le pire pour la pneumologue, c’est que selon elle, untel scandale pourrait arriver encore aujourd’hui. "Je suis désolée de ne pas rassurer tout le monde. Mais c’est aussi l’enjeu de ce procès : faire tomber les masques et réaffirmer avec force les limites qu’on ne peut pas franchir", lance Irène Frachon. "Les Français ont été effarés de savoir qu’on pouvait leur donne un médicament dangereux sans que personne n’en trouve à redire pendant aussi longtemps. Ça a brisé une confiance. Certes, il y a eu des réformes. Mais finalement, Servier continue son commerce de médicaments. C’est 'business as usual'. Un industriel responsable de la mort de plus de 2.000 personnes, on peut considérer qu’il est encore fiable.  Ça, c’est complétement flippant."

Et puis il y a ce "scandale de plus" que constitue l’indemnisation des victimes. "Ça a été des années de combat contre un laboratoire qui faisait tout pour ne pas payer et ne pas assumer ces responsabilités-là", dénonce Irène Frachon. "Ça concerne plus de 3.700 victimes, ce qui fait effectivement un peu plus de 100 millions d’euros. Ce qui n’est pas beaucoup, ce qui n’est pas assez, ce qui n’est pas la justice. C’est le minimum qu’on doit à ces gens dans une détresse profonde.