Comme lors du procès en première instance, le public de la cour d'assises des Yvelines a eu une drôle d'impression, lundi matin, lors des trois heures de visioconférence avec Patrick Dils : celle d'assister non pas à la déposition d'un témoin, mais au procès d'un accusé. Condamné puis acquitté, après 16 années passées en prison, du double-meurtre de Montigny-lès-Metz, commis en 1986, le désormais quadragénaire témoignait depuis Bordeaux, où il a refait sa vie. Mais la défense de Francis Heaulme, condamné en première instance en 2017 pour le meurtre de deux garçons, et jugé en appel, a à nouveau tenté de faire douter les jurés, quitte à remettre en cause son innocence.
#Heaulme Patrick Dils est là en vision depuis Bordeaux. Cheveux roux en brosse, petites lunettes, pull gris, visage toujours très juvénile.
— Salomé Legrand (@Salome_L) 10 décembre 2018
L’écran est pile en face de Francis Heaulme, impassible, petits yeux très fatigués, bras croisés dans le box.
"J'ai endossé cette atrocité par la force". Calmement, Patrick Dils reprend tout : l'adolescent introverti qu'il était à l'époque, victime de quolibets, très solitaire, adepte de philatélie et de puzzle; sa garde à vue, de 30 heures, avec des enquêteurs qui fument, qui entrent et qui sortent, qui tapent du poing sur la table et qui vont jusqu'à lui souffler les détails de ses aveux. Posément, il conclut : "j'ai endossé cette atrocité par la force"
"Pourquoi vous êtes nerveux comme ça ?". Mais plusieurs avocats n'entendent pas cette version. Celui de la famille Beckrich d'abord, qui insiste sur l'horreur des précisions qu'il a données à l'époque et lui reproche même de ne s'être jamais excusé pour cela. L'avocat général tente un recadrage mais rien n'empêche l'avocate de Francis Heaulme d'enchaîner en refaisant le match. Brandissant un poster d'initiation au parcours du combattant que Dils avait dans sa chambre, elle conteste le portrait d'un enfant timide et tétanisé face aux adultes. Puis coupe chacune de ses réponses, ironise et lance : "vous êtes innocent ? Je ne comprends pas pourquoi vous êtes nerveux comme ça."
Aux assises des Yvelines, à cet instant précis, on en a presque oublié Francis Heaulme, le "Routard du crime" qui, assis pile en face de l'écran, n'en perd pas une miette dans le box des accusés.