Procès du crash du Rio-Paris : Airbus face au givrage des sondes Pitot

Vol Rio Paris
Lors de l'audition du représentant d'Airbus, les sondes Pitot ont été au cœur du débat. © Thomas SAMSON / AFP
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Europe 1 avec AFP , modifié à
Lors du procès du crash du vol Rio-Paris, les sondes Pitot, qui mesurent la vitesse des avions et qui ont joué un rôle majeur dans l'accident, étaient au cœur de l'interrogatoire du représentant d'Airbus. Lors de ce vol, le 1er juin 2009, les trois sondes de l'appareil avaient gelé. L'avion s'était écrasé peu de temps après, tuant 228 personnes.

Un fin tube métallique de quelques dizaines de centimètres : les sondes Pitot, qui mesurent la vitesse des avions et ont joué un rôle majeur dans le crash du Rio-Paris en 2009, ont occupé lundi le début de l'interrogatoire du représentant d'Airbus au procès de la catastrophe. Le 1er juin 2009, le vol AF447 a heurté l'océan Atlantique au large du Brésil en pleine nuit, emportant la vie des 216 passagers et 12 membres d'équipage partis quelques heures plus tôt de Rio de Janeiro pour rejoindre Paris.

L'A330 traversait le Front intertropical (FIT), une zone météorologique difficile autour de l'équateur, quand les trois sondes Pitot ont givré, entraînant, dans le cockpit, la perte des indications de vitesse. La panne a aussi provoqué une déconnexion du pilote automatique, un basculement en mode de pilotage dégradé et de nombreuses alarmes. Déstabilisés, les pilotes ont perdu le contrôle de l'appareil en moins de cinq minutes. Jugé depuis le 10 octobre pour homicides involontaires, le constructeur de l'avion doit s'expliquer jusqu'à mardi, par la voix de son représentant, Christophe Cail, ancien pilote d'essai.

Des incidents constatés

L'une des trois juges du tribunal commence par faire circuler trois scellés, trois sondes Pitot, les trois modèles qui étaient à l'époque installées sur ce type d'avions: Thalès AA, Thalès BA et Goodrich. Au cours des mois précédant la catastrophe, les incidents de givrage des sondes se sont multipliés, quasi-intégralement sur le modèle AA, dans une moindre mesure sur le modèle BA. Airbus a indiqué avoir été informé de 13 cas sur A330-340 en 2008-2009 - sur un total de 20 depuis 2003.

Pourquoi Airbus n'a pas remplacé les sondes AA par d'autres sondes ? questionne la magistrate. "A ce moment-là, on ne comprend pas ce qui se passe vraiment. On a une recrudescence des cas qu'on ne comprend pas, qu'on n'a toujours pas compris aujourd'hui. Et quand on veut faire évoluer, il faut comprendre ce qu'il se passe", répond Christophe Cail.

"On a contacté Thalès pour essayer de comprendre avec eux", ajoute-t-il. "On a un problème qui n'a pas de dangerosité particulière, on a une augmentation des cas, et avant d'apporter une solution technique, opérationnelle, il faut arriver à comprendre". La magistrate poursuit. Les sondes de l'AF447, qui n'avaient pas été changées depuis la mise en service de l'avion en 2005, étaient-elles corrodées ? Elles n'ont pas été retrouvées dans les débris de l'appareil, repêchés à 3.900 mètres de fond après près de deux ans de recherches.

"C'est tout à fait possible", reconnaît le représentant, tout en écartant un lien avec le givrage: si la corrosion était en cause, les "trois" sondes n'auraient pas givré "en même temps", fait-il valoir.

"Principe de précaution"

La magistrate en vient à une étude de 2013, menée par Airbus après l'accident. Elle conclut que, dans tous les cas, les trois modèles de sondes auraient givré dans les conditions extrêmes traversées par l'AF447. Cette étude a joué un rôle important dans le non-lieu prononcé en 2019 par les juges d'instruction - décision ensuite infirmée par la cour d'appel, ce qui a abouti au procès.

Mais l'étude comporte un "biais", relève la magistrate: elle semble avoir été réalisée avec une sonde AA neuve. "Je n'ai pas la réponse sur l'âge exact de la sonde (...)", déclare Christophe Cail. Airbus avait émis un "bulletin de service" en 2007, renouvelé à l'automne 2008, proposant aux compagnies de changer les sondes. Mais sans obligation et à la charge de la compagnie, non d'Airbus.

Le changement d'une sonde coûtait 1.000 euros, mais la question financière, "c'est pas un sujet pour nous", assure Christophe Cail. A l'époque, s'ils n'imposent pas ce changement, c'est qu'"on n'a aucune assurance que ça va améliorer le problème", affirme-t-il. "Pourquoi vous n'appliquez pas un principe de précaution statistique ?" insiste la magistrate.

"Avant l'accident, les éléments que l'on a ne nous montrent pas une dangerosité particulière, on est encore dans la phase où on veut comprendre", répète Christophe Cail. Après le crash du Rio-Paris, toutes les sondes ont été remplacées et le nombre d'incidents est retombé à deux ou trois par an. L'interrogatoire doit s'achever mardi soir.