Quatre textes parlementaires sont sur la table concernant la fin de vie. 3:27
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Arthur Helmbacher et Aurélie Herbemont, édité par Jonathan Grelier
La semaine dernière, l’ex-secrétaire d’État aux personnes âgées de 2001 à 2002, Paulette Guinchard-Kunstler, a décidé de mourir assistée en Suisse. En France, le débat promet d'être animé ces prochaines semaines à l'Assemblée nationale comme au Sénat alors que plusieurs textes doivent être examinés, malgré les réticences de l'exécutif.
DÉCRYPTAGE

C'est dans un contexte très particulier qu'émerge de nouveau le débat sur la fin de vie en France. Les socialistes vont déposer ce jeudi une proposition de loi au Sénat pour défendre pour l'aide active à mourir. Objectif : aller plus loin que la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui encadre la fin de vie en empêchant l'acharnement thérapeutique et en autorisant une possibilité de sédation profonde, sans pour autant permettre l'euthanasie active ni le suicide assisté.

"Il faut entendre la souffrance et la douleur de ces malades"

Si le contexte est particulièrement tendu, c'est parce que l’ex-secrétaire d’État aux personnes âgées de 2001 à 2002, Paulette Guinchard-Kunstler, a décidé de mourir assistée en Suisse, la semaine dernière. Avant sa disparition, elle avait demandé à son amie Marie-Guite Dufay, présidente PS de la région Bourgogne-Franche-Comté, de témoigner en son nom de son choix pour "faire bouger les lignes" dans le débat sur la fin de vie en France. "Dans un premier temps, quand [Paulette Guinchard-Kunstler] nous dit qu'elle veut partir, on est saisis d'effroi", raconte Marie-Guite Dufay jeudi sur Europe 1.

"Puis après, on demande pourquoi et ce pourquoi était pour elle révoltant. Elle disait : 'Mais vous ne vous rendez pas compte de la souffrance qui est la mienne'. Elle avait une maladie invalidante qui l'empêchait de marcher. Elle perdait la parole", poursuit-elle. "À partir du moment où elle a pris cette décision, elle a essayé de faire en sorte que ce départ se fasse dans le cadre de la loi dans notre pays. Elle est entrée en contact avec le service des soins palliatifs, mais elle n'était pas dans ce qu'on appelle la phase terminale de sa maladie et donc elle est ressortie très déprimée avec le constat que rien ne pouvait se faire dans notre pays. Et elle a pris contact avec la Suisse."

 

Dès lors, Marie-Guite Dufay estime qu'"il faut entendre la souffrance et la douleur de ces malades". "Quand on leur renvoie qu'ils ne sont pas assez malades et qu'il faut qu'ils soient complètement torturés par leur souffrance pour qu'enfin on leur dise 'oui, on va répondre à votre demande', on les torture !" "J'ai perdu une amie qui a crié sa douleur et qui n'a pas été entendue parce que dans notre pays, les choses sont organisées de façon à ce qu'on n'entende pas cette douleur-là. Ce n'est pas normal."

Un mauvais timing, selon l'exécutif

Les Républicains étant majoritaires au Sénat, le texte socialiste risque de ne pas passer. Mais le sujet reviendra début avril à l'Assemblée nationale, via une proposition de loi du député Libertés et Territoires Olivier Falorni. Au total, pas moins de quatre textes parlementaires sont sur la table. Des élus de tous bords, y compris de La République en marche, veulent ainsi pousser le gouvernement à légiférer sur la question.

Mais l'exécutif n'est pour le moment pas favorable à une évolution de la loi sur la fin de vie. L'Élysée promet plus de moyens pour les soins palliatifs et préfère attendre d'avoir davantage de recul sur la loi Claeys-Leonetti. Du côté du gouvernement, beaucoup expliquent que ce n'est pas le moment d'aller plus loin en pleine crise sanitaire. Certains craignant d'être accusés par les anti-euthanasie de vouloir libérer des lits s'ils légifèrent.

 

Des débats qui s'annoncent tendus

Un ministre confie à Europe 1 qu'un tel sujet "nécessite bien plus qu'une journée de débat". Certes, Emmanuel Macron a déjà dit "souhaiter choisir sa fin de vie" mais il n'a jamais promis de loi. Mais qu'importe, des députés de la majorité sont prêts au bras de fer avec le gouvernement. Plus de la moitié du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale, soit 150 marcheurs, ont signé une proposition de loi de Jean-Louis Touraine (LREM) sur "l'assistance médicalisée active à mourir". Combien iront jusqu'à voter le texte concurrent de l'opposition le 8 avril quitte à mettre l'exécutif en difficulté ? Une chose est sûre, les débats risquent de ne pas être apaisés sur ce sujet hautement sensible.