Les syndicats de police n'ont pas apprécié les propos d'Emmanuel Macron sur la question des contrôles au faciès. 4:59
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Antoine Terrel
Au micro d'Europe 1, l'avocat Slim Ben Achour, très engagé dans la lutte contre les contrôles au faciès, a réaffirmé son opposition de principe aux contrôles préventifs, fustigeant leur inefficacité, leur dangerosité et leur rôle dans la montée du racisme. 
INTERVIEW

Les propos d'Emmanuel Macron ont provoqué la colère des policiers. Lors de son interview très suivie sur le média en ligne Brut, le président de la République a expliqué vouloir regarder en face la question des contrôles au faciès, et reconnu que "quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé". Pour protester contre cette prise de position, des syndicats de police ont appelé à faire la grève des contrôles. Invité samedi d'Europe 1, Slim Ben Achour, avocat à la Cour d’appel de Paris et spécialiste des questions d’égalité et de non-discrimination, salue à l'inverse cette évolution du discours présidentiel, et réaffirme son opposition aux contrôles d'identités préventifs.

"Le contrôle d'identité n'est rarement qu'un contrôle d'identité. Parfois, ce n'est même pas un contrôle d'identité. C'est un package, donc c'est aussi des palpations, des fouilles, quelquefois des commentaires, des observations qui peuvent être racistes ou homophobes", énumère-t-il.

"C'est une pratique qui ne correspond pas à la loi, c'est pratiquement une pratique délinquante", ajoute l'avocat. "C'est dans la loi, mais ce n'est pas légal au sens où il y a une norme supérieure qui dit que c'est interdit. Ce comportement, que les policiers et même les citoyens considèrent comme légal, est en contravention avec le principe d'égalité et de non-discrimination."

"Une pratique qui ne permet pas d'obtenir de résultats"

Pour Slim Ben Achour, le contrôle d'identité préventif "est une pratique idiote, inefficace et dangereuse". Inutile car "au plus haut niveau de la police nationale, on sait que c'est une pratique qui ne permet pas d'obtenir de résultats". Citant des études menées notamment dans le Val-d'Oise et à Montpellier, l'avocat assure que seulement "4% des contrôles donnent quelque chose". Et dans ces contrôles qui donnent un résultat, il y a "le fameux 'outrage et rébellion', où c'est le contrôle d'identité qui produit une infraction". 

Ces contrôles sont également dangereux, aussi bien pour les jeunes qui pourraient chercher à les fuir que pour les policiers eux-mêmes, dit encore Slim Ben Achour. Enfin, termine-t-il, "ces contrôles sont coûteux pour la communauté nationale" et représentent "un énorme propagateur de racisme" en visant majoritairement des personnes perçues comme noires et arabes.

"Les contrôles administratifs devraient être supprimés"

Pour l'invité d'Europe 1, cette importance du contrôle préventif s'explique par une vraie culture dans la police. "Les policiers pensent qu'en contrôlant, ils peuvent trouver quelque chose. Et s'ils ne trouvent rien, ils signifient à une certaine population qu'ils sont là", explique-t-il. Or, "ces objectifs ne correspondent absolument pas aux règles posées par l'État de droit et remettent en cause de nombreuses libertés, comme celle d'aller et venir, la vie privé, car vous êtes fouillé, palpé, etc." Selon lui, "les contrôles administratifs devraient être supprimés".

Et pour Slim Ben Achour, ce constat est de plus en plus partagé au sein même de la police. "De plus en plus de policiers expriment leurs mal-être, l'absence de sens qu'a leur travail."