Plan de rénovation thermique : "La loi de finances 2018 fait l'inverse de ce qu'il faut faire"

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A.H. , modifié à
Alors que Nicolas Hulot doit préciser les contours de son plan de rénovation thermique, certains soulignent que l'on ne peut pas demander des efforts aux propriétaires sans incitation fiscale.
INTERVIEW

On dénombre 7 millions de "passoires thermiques" en France, des logements mal isolés qui ont une grande déperdition de chaleur. Nicolas Hulot, ministre de la Transition énergétique, souhaite régler le problème grâce à un plan de rénovation thermique d'ampleur, s'appuyant sur des taxes et incitations fiscales. "L'objectif du plan climat de Nicolas Hulot, comme de la loi de Ségolène Royal, c'est de rénover ces passoires thermiques en dix ans. Ça veut dire qu'il faut en faire 700.000 par an, alors qu'aujourd'hui on en fait 90.000", indique Guillaume Sainteny, professeur à AgroParisTech et invité d'Europe 1 Bonjour, mardi

Entre 25.000 et 70.000 de travaux. "La rénovation thermique, si on veut qu'elle soit bien faite, ça coûte très cher", rappelle le spécialiste, auteur du livre Le Climat qui cache la forêt (Editions Rue de l’Echiquier). En effet, de tels travaux coûtent entre 25.000 euros et 70.000 euros par logement, selon les estimations de l'Ademe (agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). "Evidemment, c'est un coût d'investissement important que les ménages ne peuvent pas faire seuls. Il faut, soit qu'ils soient aidés par l'Etat, soit qu'il y ait une fiscalité des revenus fonciers favorable, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle", déplore Guillaume Sainteny.

Les ménages engagent des travaux a minima. Par ailleurs, "on constate que les gens qui font de la rénovation thermique font de la rénovation thermique légère. Ils dépensent ce qu'ils peuvent dépenser : 6.000, 7.000, 8.000 euros. Ils sont obligés, plusieurs années après, de rénover d'autres parties de leur logement", indique l'expert. En clair, seule une rénovation thermique lourde permet de réduire réellement la consommation énergétique du logement.

Des objectifs gouvernementaux "contradictoires". Mais comment inciter les propriétaires à engager ces lourds travaux de rénovation thermique ? La création d'un bonus-malus portant sur la fiscalité des bailleurs, sur le modèle de ce qui existe déjà dans l'automobile, figure parmi les pistes à l'étude de Nicolas Hulot. Est-ce une bonne idée ? "Peut-être", répond Guillaume Sainteny, qui souligne que le vrai problème tient dans "la loi de finances pour 2018, qui fait l'inverse de ce qu'il faudrait faire." "Elle augmente la fiscalité des revenus fonciers, à 62%. C'est totalement contradictoire dans la mesure où un bailleur va avoir, après impôt, une très faible partie de son loyer. Il ne pourra pas réinvestir ces loyers dans la rénovation thermique", avance-t-il.

Le spécialiste dénonce ces "deux objectifs contradictoires", ce jeu de la carotte et du bâton avec les propriétaires. "D'un côté, on a des objectifs extrêmement bons en matière de rénovation thermique, et de l'autre, on a ni les subventions publiques parce que l'Etat n'a pas d'argent aujourd'hui, ni une incitation fiscale à faire ces travaux pour les propriétaires".