Placée et maltraitée enfant, Marie est devenue famille d’accueil : "Je suis fière"

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Léa Beaudufe-Hamelin
Marie et ses frères et sœurs étaient maltraités quand ils étaient enfants, d’abord par leur famille d’accueil, puis par leur père qui était alcoolique et violent. Marie a alors pris la décision de devenir elle-même famille d’accueil avec son mari Claude. Ils se confient à Olivier Delacroix au sujet de leur engagement.
TÉMOIGNAGE

Quand elle était enfant, Marie a été placée avec ses frères et sœurs chez une femme maltraitante. Ils ont ensuite vécu chez son père qui était alcoolique et violent. Pour ne pas reproduire les schémas qu’elle avait connus, Marie a décidé de devenir elle-même famille d’accueil avec son mari Claude. En 22 ans, ils ont accueilli plus de 50 enfants chez eux et se sont particulièrement attachés à certains d’entre eux. Marie et Claude racontent à Olivier Delacroix leur vie de famille d’accueil. 

Quand elle avait cinq ans, Marie, son frère et sa sœur ont été placés chez une femme maltraitante, alors que sa mère était malade et son père accaparé par son travail : "Mon frère était plus petit et il lui arrivait de faire pipi au lit. Le matin, elle allait couper des orties dans son jardin et elle le fouettait avec parce qu’il avait fait pipi au lit. J'ai passé des journées enfermée dans le noir dans la cave. Aujourd'hui, j'ai la phobie du noir. Je ne sors pas de la maison la nuit. 

J’avais une peur terrible de cette femme. À Noël, on recevait des cadeaux de la DDASS. Quand l’assistante sociale arrivait avec les cadeaux, on était très heureux. L’assistante sociale partait et sa famille arrivait. Il neigeait et elle nous disait d’aller jouer dehors le temps qu’elle reçoive sa famille. Les jouets qu'on avait reçus, elle les avait donnés à ses petits-enfants. On le disait à l’assistance sociale. Mais le problème, c'est que quand l’assistante sociale en parlait avec cette dame, on avait encore plus de punitions. C'était dur. Donc, on ne disait plus rien."

Marie et ses frères et sœurs ont passé cinq ans chez cette femme. Ils vécurent ensuite un an chez leur mère, mais été maltraités par leur beau-père. Ils se sont alors installés chez leur père, alcoolique et violent. Marie raconte être restée chez lui jusqu’à sa majorité : "C’est à mes 18 ans que j'ai profité. J’ai fait les pires bêtises. Je ne faisais confiance à personne et encore moins aux hommes. J'avais un tel manque d'amour. Ça n'a pas aidé. Le papa de ma première fille me violentait. Je suis partie. Je suis retombée sur quelqu'un encore plus violent. J’ai eu ma deuxième fille. Ce n’était pas possible, il fallait arrêter."

" Cosette, c'est une réalité "

Six ans plus tard, Marie a rencontré Claude, avec qui elle a eu un fils. Ensemble, ils sont devenus famille d’accueil. Claude partage son expérience d’assistant familial : "Cosette, c'est une réalité. Des Cosette, il y en a eu et il y en a peut-être encore. Ces enfants partent déjà avec un handicap dans la vie. Il faut qu’à leur majorité, ce handicap soit le moins préjudiciable possible. En plus, il ne faut pas qu’ils se sentent coupables. Quand les enfants arrivent ici, ils se sentent parfois coupables. Ils sont parfois placés à cause d'eux. 

Notre travail, c'est de les amener à déculpabiliser et essayer de ne pas faire culpabiliser non plus les parents, parce que les erreurs de la vie et les problèmes, on y est passé et on sait ce que c'est. Ce n'est pas marrant non plus pour les parents. Le lien devient parfois beaucoup plus fort. C’est là qu’il faut savoir où se trouve la limite. Parfois, on la dépasse. On s'attache. Marie a eu l’honneur de mener Pierre-Marc-Antoine à l'autel. C’est une fierté. Il exerce un métier de la Terre. On n'en fait pas des énarques, mais on en fait des gamins qui, à 20 ans, ont leur salaire en poche."

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Mathieu a 18 ans et vit avec Claude et Marie depuis cinq ans. Il explique comment leurs méthodes éducatives ont changé ses habitudes : "Pour le travail, il faut faire les choses bien. Quand je suis arrivé, j’étais une larve. Moins j’en faisais, mieux je me portais. Je n'étais pas habitué à tout ça. J'étais à la ville. Ma mère faisait tout. Par exemple, ici, si on veut se chauffer, on va tous chercher du bois. Ce sont des choses que je n’aurais jamais fait chez moi. Ça a changé. C'est mieux, parce qu’après on est plus débrouillard. Je le vois en étant majeur. Si j'avais un appartement, je saurais me débrouiller."

Grâce à son engagement en tant que famille d’accueil, Marie confie avoir trouvé l’apaisement : "Je me suis tout de suite senti bien dans ce que je faisais, parce qu'en même temps, je me guérissais. Je guérissais mon intérieur. On a accueilli plus de 50 enfants parce qu’il y a des enfants qui venaient juste pour les vacances. Ça fait beaucoup d'enfants. Je suis fière. Ça reste un travail. Ce ne sont pas nos enfants. J'ai appris, avec des formations et avec les référents des enfants, à travailler le départ. Ça se travaille, mais c'est vrai que c'est dur parfois. On les amène vers l'autonomie. C’est ça le but."

" J’étais un membre de la famille "

Pierre-Marc-Antoine est le premier enfant que Marie et Claude ont accueilli. Il avait alors 14 ans. Aujourd’hui âgé de 31 ans, il raconte ce que Marie et Claude lui ont apporté : "Quand je suis arrivé, je me rappelle que Laetitia, leur fille, était allongée sur une chaise longue. C’était un accueil génial. J’étais surpris, puis gêné. J’étais perdu. Je n'avais pas d'amour maternel, ni paternel. J'étais tout seul. J'ai vraiment été pris au même niveau que leurs enfants. Je ne me sentais jamais exclu. J’étais un membre de la famille. J’étais un de leurs enfants.

Ils ont apporté tout ce que qu'il me manquait. Je n'étais pas abordable. J’étais agressif quand j'allais à l'école. Ils ont réussi à me canaliser. Ils m'ont tout fait découvrir. Ils m'ont éduqué du début jusqu'à la fin. Après, j'ai pu découvrir l'amour. Je me suis marié. J'ai eu mon permis. J'ai rencontré des copains là où ils habitaient. Ce sont plus que des valeurs. Ils m’ont ouvert des portes que je n’aurais jamais pu ouvrir sans eux."