Les producteurs de betteraves demandent la réautorisation des néonicotinoïdes. 2:34
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Virginie Salmen, édité par , modifié à
Le gouvernement a accepté d’accorder des dérogations pour l’utilisation des néonicotinoïdes, un insecticide qui tue les abeilles. La filière de la betterave a présenté un plan de transition, auquel ne croient ni les écologistes ni les associations de défense de l’environnement.

Les néonicotinoïdes refont parler d’eux. Après les avoirs interdits en 2018, le gouvernement se prépare à réintroduire temporairement ces insecticides controversés, responsables de la mort de nombreuses abeilles. La filière de la betterave, qui compte sur cette autorisation pour rebondir après un été difficile, a présenté mardi un plan de transition, s’engageant notamment à réduire l’utilisation des néonicotinoïdes. Mais les députés écologistes et les associations de défense de l’environnement ont réitéré leur opposition, à quelques jours d’un vote sur le sujet à l’Assemblée nationale.

La filière de la betterave propose d’en réduire l’utilisation

Le gouvernement a accepté d'accorder à compter de l'an prochain des dérogations temporaires, comme dans une douzaine d'autres pays européens, afin de juguler la "jaunisse de la betterave" qui a mis à mal les rendements cet été. En cause, un puceron vert, vecteur du virus, qui se développe sur les cultures non protégées par un insecticide. Mais ce retour des néonicotinoïdes suscite une levée de boucliers aussi bien du côté des écologistes que de l’opinion.

L’interprofession betteraves-sucre (AIBS) veut donc donner des gages à l’opinion publique et aux députés, à deux semaines de l’examen du projet de loi qui devrait leur accorder une dérogation temporaire d’utiliser ces graines enrobées d’insecticide. Ce plan de transition comprend notamment un engagement de réduire à 25% l’utilisation des néonicotinoïdes. Concrètement : ne planter qu’une graine sur quatre contenant du produit, et le reste sans insecticide.

Les scientifiques accélèrent la recherche d’alternatives

Parallèlement, l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique et environnemental) va accélérer la recherche d’alternatives avec 7 millions d’euros de subventions publiques. Il n’est pas question de remplacer un produit chimique par un autre, mais de mettre en place un "cocktail de solutions" selon les chercheurs. Par exemple : laisser pousser des herbes en bordure de champ pour attirer une micro-guêpe, qui va s’attaquer au puceron jaune de la betterave, après avoir pondu un petit vers qui va manger le puceron de l’intérieur. Autres alternative : semer des variétés de betteraves à sucre plus résistantes, sans avoir recours aux OGM.

Un collectif de scientifiques rattaché à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a cependant estimé qu’une réautorisation de ces pesticides, même provisoire, constituerait "une grave erreur" et aurait des "impacts désastreux", dans une tribune publiée par Libération.

Les opposants ne croient pas à ces engagements

Parmi les députés écologistes, les apiculteurs ou les ONG de défense de l’environnement, personne ne croit en ce plan de transition. Pour eux, l’enjeu de préservation des abeilles est essentiel, après plus de 25 ans de bataille pour obtenir l'interdiction des néonicotinoïdes. La Confédération paysanne, l’un des principaux opposants à cette réautorisation, dresse un parallèle avec les hormones de croissance dans l’élevage. "La filière de l'élevage subit des sécheresses à répétition, les éleveurs ont du mal à avoir un revenu. On pourrait très bien imaginer dans ce cadre-là un retour aux hormones de croissance en se disant que ce serait la béquille sur laquelle les éleveurs pourraient s’appuyer et ainsi continuer à être rémunérés. Sur la betterave on est dans le même contexte", s’insurge Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne interrogé par Europe 1.

Lundi soir, les députés LREM ont conditionné leur vote en faveur du projet de loi, qui sera débattu le 5 octobre à l'Assemblée nationale en première lecture : ils ne voteront ce texte que si la dérogation est limitée explicitement aux seules betteraves.