Nathalie Becquart, première femme au synode des évêques : "La place des femmes a bougé depuis un siècle"

Nathalie Becquart
Nathalie Becquart, première femme au synode des évêques : "La place des femmes a bougé depuis un siècle" © Alberto PIZZOLI / AFP
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Mathilde Durand, avec AFP , modifié à
La Française Nathalie Becquart, religieuse de 52 ans, vient d'être nommée sous-secrétaire du synode des évêques. Elle sera donc la première femme à pouvoir voter dans cette institution qui étudie les grandes questions doctrinales au sein de l'institution catholique. Un geste symbolique vers davantage de représentation des femmes au Vatican. 
INTERVIEW

Une avancée dans l'Eglise. Le 6 février dernier, le pape François a nommé la Française Nathalie Becquart au poste de sous-secrétaire du synode des évêques. Elle devient ainsi la première femme à occuper cette fonction et à pouvoir voter lors de cette institution, qui se tiendra en octobre 2022 et qui a pour but de discuter des questions majeures au sein de l'Eglise catholique. Une nomination vécue comme un "appel" et "une mission" pour la quinquagénaire, confie-t-elle au micro d'Europe 1, en direct du Vatican. Et un geste fort qui traduit l'évolution de la société. "La place des femmes a bougé depuis un siècle", assure la religieuse.

"C'est quelque chose qui me dépasse, qui m'est tombé dessus, qui n'avait jamais été imaginé", assure Nathalie Becquart. "Ça invite à beaucoup de confiance. Et puis, je le vis vraiment ,d'abord et avant tout, surtout comme un service."

Un symbole fort 

Cette nomination a une charge symbolique importante au sein de l'institution catholique et semble refléter la volonté du pape de poursuivre la réforme du synode et l'ouverture de l'Eglise aux femmes et aux laïcs, dans un contexte d'évolution de la société et de crise de la vocation. "Cette décision du pape François, qui est quand même audacieuse parce qu'elle inscrit à la fois une forme de nouveauté, vient en réponse d'aspirations, d'échanges, de débats dans l'Église qui ont appelé, de manière très forte, à plus de responsabilité des femmes dans l'Église, sur le terrain", commente Nathalie Becquart. "Elles sont déjà très présentes dans beaucoup d'endroits, mais l'enjeu est de les associer davantage au processus de décision. Et ce sont des aspirations portées par beaucoup de personnes par le monde, non seulement des femmes, mais aussi des hommes et dans les différents mondes, économiques et politiques."  

Depuis l'annonce de ses nouvelles fonctions, Nathalie Becquart a reçu de nombreux messages, d'hommes et de femmes d'Eglise mais aussi de non-croyants ou d'amis d'autres religions, pour la féliciter de ce parcours. "Je suis très touchée, à travers ça, de me sentir profondément reliée à toutes ces personnes. Je sens que je suis appelée à vivre cette responsabilité aujourd'hui en étant très proche de tous et complètement reliée à ce peuple de Dieu", confie-t-elle, au micro d'Europe 1.

Appartenir et voter dans ce cénacle très fermé est une source d'espoir pour beaucoup de femmes qui aspirent à plus de responsabilités au Vatican. "L'Eglise, elle, est au cœur de la société. La place des femmes a bougé depuis un siècle et elle continue à bouger", affirme Nathalie Becquart, pointant le rôle des religieuses : près de 440.000 femmes dans le monde, sur le terrain, "proche des gens, à les servir à travers l'éducation, les hôpitaux". "Elles sont aussi à travailler dans de nombreux postes au Vatican", rappelle la religieuse. "Vous savez qu'à la Curie romaine, aujourd'hui, il n'y a pas loin de 25 femmes. Et ça, ça bouge petit à petit."

Un synode à préparer pour octobre 2022

Le synode, chargée d'étudier les grandes questions doctrinales depuis 1965, est animé par des "pères synodaux" (évêques ou cardinaux) ayant le droit de vote. Il compte en outre des auditrices et des expertes, sans droit de vote. Religieuse de la congrégation des Xavières, Nathalie Becquart, 52 ans, était depuis 2019 "consultrice". La diplômée d'HEC, étudiante en théologie, philosophie et récemment spécialisée en ecclésiologie, décrit sa mission comme "un travail d'équipe de direction" pour préparer ce prochain rendez-vous de débats et de réflexions dans huit mois. "On ne va pas manquer de travail : la tâche est devant nous", plaisante-t-elle. "Le but d'un synode, c'est d'arriver à un consensus, de créer de la communion", rappelle-t-elle. "Donc, en fait, le vote n'intervient qu'à la fin. Si le processus a bien fonctionné, quasiment tout est voté à l'unanimité à la fin"

Elle a dirigé en France le Service national pour l'évangélisation des jeunes et des vocations de la Conférence des évêques de France de 2012 à 2018 et publié plusieurs essais  dont Religieuse, pourquoi? Cette vie en vaut la peine et C'est maintenant le temps favorable – Cinq regards de femmes sur la crise.

Cette prochaine assemblée consacrée justement à la "synodalité", pluralité de réalité dans l'Eglise, devrait permettre l'évocation de ces ouvertures au sein de l'institution catholique, notamment vis-à-vis des femmes. Un désir porté et exprimé par le pape François, assure la nouvelle sous-secrétaire du synode des évêques. "Il fait un certain nombre de gestes. Maintenant, les changements de mentalités, la conversion des manières de fonctionner dans bien des lieux, ça prend du temps. Il s'agit de continuer à chercher ensemble des chemins qui vont permettre ce respect mutuel, cette égalité et surtout ce travail commun. Je crois qu'aujourd'hui, en particulier en temps de crise, c'est la diversité qui va nous permettre de trouver les chemins."