Polémique sur les crèches : les créateurs de santons s'inquiètent

© SEBASTIEN NOGIER / AFP
  • Copié
Nathalie Chevance et Thibauld Mathieu , modifié à
L'association des maires de France considère que les crèches n'ont pas leur place dans les mairies. Les santonniers craignent une disparition de la profession et de la tradition provençale. 

Un mois tout juste avant Noël, le débat redémarre sur les crèches en mairie. L'association des maires de France (AMF) les juge incompatibles avec le principe de laïcité. A la foire aux santons de Marseille, berceau du santon provençal, cette prise de position a du mal à passer.

"Il ne faut pas tout confondre". Si la crèche représente la nativité, c'est aussi et surtout une tradition, au-delà de la religion. "Il faut absolument que ces crèches restent dans les mairies. C'est une coutume provençale. Il ne faut pas tout confondre. C'est le peuple marseillais qui est représenté dans la crèche", s'emporte Véronique Venturini, santonnière de la troisième génération. Même son de cloche chez Robert Figuon, lui aussi santonnier : "on est complètement fous dans ce pays. Je suis désemparé. La profession va disparaître, ce n'est pas normal."

Entendu sur europe1 :
La profession va disparaître, ce n'est pas normal

A droite non plus, on ne comprend pas. En colère, les santonniers peuvent en tout cas compter sur le soutien de nombreux hommes politiques, à droite notamment. Christian Estrosi, député-maire Les Républicains, a défendu dans un communiqué "les traditions populaires de nos régions notamment lorsqu'il s'agit d'accueillir des crèches dans les espaces publics. Cette tradition comme tant d'autres, est immémoriale et appartient au patrimoine des Français, quelles que soient leurs confessions, au même titre que la peinture, la musique ou la sculpture inspirées par la Bible".

"J’ai été un peu surpris. Je ne comprends pas très bien", a également affirmé Luc Chatel, maire de Chaumont et membre du Bureau politique des Républicains, mardi matin. "Nous parlons de valeurs, nous parlons de racines, nous parlons de références. L’Europe, la France, a des racines chrétiennes. Je vais vous faire une confidence : à la mairie de Chaumont, la personne qui chaque année installe la crèche de Noël n’est pas catholique, n’est pas croyante. J’ai du mal à comprendre qu’on veuille imposer une loi qui aille en sens inverse. Surtout en ce moment", a-t-il conclu.

D'autres, comme Gilbert Collard, député apparenté FN, sont encore plus véhéments : " L'AMF dont Baroin est président veut une loi contre les crèches : et oui, pour ces C... le danger est dans la crèche !"

"Il ne s'agit pas d'une position laïcarde". De son côté, l’AMF se défend de toute volonté de nuire ou de toute maladresse, et plaide au contraire l’interprétation erronée, voire fallacieuse. "L’émotion est la pire ennemie de la réflexion. J’appelle à ce que chacun voit le véritable esprit du texte, qui n’est pas un oukase, pas un diktat, mais une synthèse de longs débats et de nombreuses auditions", tempère Agnès Le Brun, vice-présidente de l’AMF, membre des Républicains, jointe par Europe 1.fr. "La position de l’AMF, c’est : ‘adoptons la neutralité, soyons prudents, pour ne pas être attaquable juridiquement. Il ne s’agit pas d’une position laïcarde ou laïciste, mais d’un constat d’une jurisprudence discordante et d’une clarification législative inexistante."

En effet, sur le sujet, la justice a bien du mal à parler d’une seule voix. Le vendredi 16 octobre, la cour administrative d’appel de Paris a ainsi ordonné à la ville de Melun de ne pas installer de crèche cette année, au motif qu’un emblème religieux n’a pas sa place dans l’enceinte d’un bâtiment public. Trois jours plus tôt pourtant, la cour administrative de Nantes avait rendu un avis contraire concernant l’installation d’une crèche au conseil général de Vendée, car elle ne représentait pas de signe ou d’emblème religieux.