L'Ordre des avocats de Strasbourg dit non à la féminisation des termes "avocat" et "bâtonnier". 1:21
  • Copié
Mélina Facchin , modifié à
Dire "avocate" ou "bâtonnière" pour désigner une femme qui pratique ces métiers peut sembler évident. Pourtant, l’Ordre des avocats de Strasbourg vient de se prononcer contre la féminisation de ces termes dans les documents et les plaques professionnels. Un avis consultatif qui fâche les syndicats de la profession.

"Avocate" est un mot qu’on utilise au quotidien dans le langage courant, qui est d’ailleurs dans le dictionnaire. Et pourtant, l’Ordre des avocats de Strasbourg vient de se prononcer contre la féminisation de ce terme ainsi que celui de "bâtonnier" dans les documents et les plaques professionnels. Le Conseil national des barreaux (CNB) demande depuis le mois de septembre leur avis consultatif aux différents barreaux de France pour trancher sur la question. Et celui de Strasbourg a donc répondu "non", ce qui choque le Syndicat des Avocats de France (SAF).

"Cela contribue à l’invisibilisation des femmes (…) on a un train de retard"

Pour Maître Nathalie Goldberg, avocate et présidente de la section locale à Strasbourg du Syndicat des Avocats de France (SAF), ne pas vouloir officialiser la féminisation des termes "avocat" ou "bâtonnier", ce qui est déjà un usage, est incompréhensible. "À Strasbourg, c’est une pratique depuis des décennies j’ai envie de dire", s’étonne-t-elle. "Tout le monde pose sa plaque "avocate" [à l’entrée de son cabinet]. Au sein des juridictions, lorsqu’on s’adresse à une magistrate, on se fait reprendre quand on l’appelle "Madame Le Président" : on doit dire "Madame La Présidente", raconte-t-elle.

"Alors ne pas vouloir officiellement féminiser ces mots, ou en tout ne pas vouloir laisser le choix de le faire, cela contribue à l’invisibilisation des femmes", affirme-t-elle, précisant qu’au sein de la profession d’avocat, les femmes sont "majoritaires à 58%". Maître Nathalie Goldberg estime qu’il faut "montrer l’exemple" et conclut : "Je pense qu’on a un train de retard".

"J’ai voté contre parce que j’estime ne pas avoir besoin d’une autorisation"

Pour Déborah Zouari, avocate et membre de l’Ordre des Avocats de Strasbourg, qui a donc majoritairement voté contre cette féminisation des termes, les choses sont bien plus compliquées que cela : "La question qui nous a été soumise, ce n’est pas est-ce qu’on est pour ou contre la féminisation des termes. La question ne se pose même pas, ce sont des termes qu’on peut utiliser !", insiste-t-elle. "Nous devions donner un avis pour ou contre l’insertion d’un article préliminaire au règlement international qui régit la profession", précise-t-elle.

"Pour ma part, j’ai voté contre parce que je n’estime pas avoir besoin d’une autorisation pour utiliser ces termes", explique Déborah Zouari. "Certains membres du Conseil de l’Ordre, des femmes d’ailleurs, estimaient également que cette distinction entre avocat et avocate créait déjà une discrimination pour la femme et elles ont voté contre à cause de cela" ajoute-t-elle. Cet avis rendu par le Conseil de l’Ordre des avocats de Strasbourg n’est que consultatif. C’est le Conseil National des Barreaux (CNB) qui a ainsi demandé leur avis à tous les barreaux de France sur le sujet et qui tranchera bientôt sur la question.