Nouvelle Calédonie lycée déconfinement masque 1:39
  • Copié
Chloé Triomphe avec , modifié à
Moins touchés par le coronavirus que les autres régions françaises, les territoires ultramarins sont pour certains déjà entrés en déconfinement. Mais cette situation particulière s'explique aussi par le fait que beaucoup de mesures très strictes y ont été prises, via des arrêtés que certains observateurs jugent plus sécuritaires que sanitaires.
DÉCRYPTAGE

Sont-ils les très bons élèves du confinement ? Ou des territoires qui ont surtout été frappés par les mesures les plus restrictives de libertés ? En Outre-mer, où moins de cas de coronavirus ont été observés proportionnellement à la population, la question se pose. Car de fait, si toute la France a été concernée par le confinement, chaque préfet a ensuite eu le pouvoir de prendre des arrêtés supplémentaires. Plus de 1.200 ont ainsi été pris un peu partout, réduisant encore davantage les libertés de circulation ou d'action. Et un groupe de chercheurs du Centre de Recherches et d'Etudes sur les Droits Fondamentaux (Credof) a constaté que c'était bien dans ces départements et territoires ultramarins que les restrictions ont été les plus importantes.

 

Des mesures très restrictives, voire privatives de liberté

À la Réunion par exemple, tout nouvel arrivant était placé en quatorzaine stricte avec interdiction totale de sortir, sauf pour motif de santé prononcé sous avis médical. En Guyane, c'est tout un village de 270 habitants qui a été isolé deux semaines pour 21 malades recensés. Le tout sans notification individuelle.

Capture d’écran 2020-05-01 à 22.28.45

 

Dès le 19 mars, le préfet de Guadeloupe a adopté un arrêté fermant, pendant toute la durée du confinement, l’ensemble des piscines, publiques ou privées non unifamiliales, et interdisant les baignades en eau douce ou en eau de mer. Il a rapidement été suivi par ses homologues de Guyane et de Martinique. Une preuve de "l'activisme réglementaire des préfets ou Haut-commissaire", note le Credof.

Couvre-feu et interdiction de la vente d'alcool

Les arrêtés ont aussi pris d'autres formes, avec des interdictions de territoire naturel. La forêt amazonienne a été coupée d'accès en Guyane, ce qui a isolé une partie de la population indigène. Enfin, quelques préfets ont pris des arrêtés sur la vente d'alcool le soir, ou le weekend, même à emporter. "La palme du paternalisme revient au Haut-Commissaire de Nouvelle-Calédonie qui interdit régulièrement la consommation d’alcool le week-end dans certaines villes et a profité de l’état d’urgence sanitaire pour prescrire, par son premier arrêté pris dans cette période, l’interdiction, sauf dans certains lieux (restaurants) de la vente 'de boissons alcooliques ou fermentées' à emporter le 19 mars", écrivent les chercheurs du Credof.

Capture d’écran 2020-05-01 à 22.29.38

Car selon eux, ces mesures sont davantage sécuritaires que sanitaires. Ils dénoncent des initiatives "privatives de liberté" et "très infantilisantes à l'égard des populations ultramarines". Et en concluent que l'Outre-mer est "l'éternel laboratoire sécuritaire" de la France.

 

Pour les autorités, des mesures nécessaires

À l'inverse, les autorités affirment que ces mesures de confinement ont permis de limiter la circulation du virus. Et qu'elles étaient rendues nécessaires par le fait que les territoires ultramarins disposent d'infrastructures de santé moindres qu'en métropole. Selon la ministre des outre-mer, Annick Girardin, qui s'exprimait le 10 avril dernier, la stratégie de l’État face à la propagation du Covid19 a été de "garder [de l’]avance" sur l’épidémie, compte tenu du "décalage de plusieurs semaines dans le temps par rapport à l'Hexagone". Elle affirmait alors avoir suivi les recommandations du Conseil scientifique.

 

 

Mais, rappelle le Credof, ce dernier ne préconisait pas de mesures restrictives de liberté. Le Conseil scientifique prônait "une utilisation plus large des tests de diagnostic et, d’autre part, un isolement des patients positifs et des mesures de quarantaine des nouveaux arrivants", soulignent les chercheurs. "Des préconisations éloignées des mesures importantes d'atteintes aux libertés constatées actuellement…", regrettent-ils.

Reste qu'effectivement, le Covid-19 a moins touché les territoires ultramarins que la métropole. À tel point que la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française par exemple, font partie des pionniers du déconfinement, avec une date prévue de levée de la quasi totalité des mesures restrictives dès le 4 mai.