Le Sénat favorable à l'inscription dans la Constitution de la «liberté» de recourir à l'IVG

Le Sénat s'est prononcé en faveur de la "liberté" de recourir à l'IVG.
Le Sénat s'est prononcé en faveur de la "liberté" de recourir à l'IVG. © MARTIN BUREAU / AFP
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avec AFP , modifié à
Le Sénat à majorité de droite s'est prononcé mercredi, par 166 voix contre 152, pour inscrire dans la Constitution la "liberté de la femme" de recourir à l'IVG. Une formulation qui abandonne toutefois la notion de "droit" chère à la gauche. Adopté en première lecture par les sénateurs, le texte doit maintenant retourner à l'Assemblée nationale. 

Changement de pied au Sénat : la chambre haute à majorité de droite a voté mercredi en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" de recourir à l'IVG, une formulation qui abandonne la notion de "droit" chère à la gauche, mais permet à la navette parlementaire de se poursuivre. Au terme d'un débat passionné, le vote a été acquis par 166 voix pour et 152 contre.

Même si le chemin est encore très long avant une possible adoption définitive par le Parlement - qui devrait être en plus suivie d'un référendum -, le groupe socialiste s'est immédiatement félicité d'une "avancée majeure pour le droit des femmes", tandis que le groupe écologiste saluait "une victoire historique". "Historique", a aussi réagi sur Twitter la cheffe de file du groupe LFI à l'Assemblée nationale Mathilde Panot.

Les sénateurs examinaient, dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe socialiste, une proposition de loi constitutionnelle LFI votée en novembre en première lecture par l'Assemblée nationale avec le soutien de la majorité présidentielle. Le texte de cette proposition de loi a été complètement réécrit, via un amendement du sénateur LR Philippe Bas. Il propose de compléter l'article 34 de la Constitution avec cette formule: "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".

Le Sénat avait repoussé une première proposition en octobre dernier

Une rédaction qui ne fait plus référence au "droit" à l'IVG, ce que déplore unanimement la gauche, tout en assumant d'avoir agi "en responsabilité" pour permettre à la navette parlementaire de se poursuivre. Car un rejet pur et simple du texte par le Sénat se serait soldé par son enterrement.

Une proposition de loi constitutionnelle doit en effet être votée dans les mêmes termes par les deux chambres, puis soumise à référendum pour être adoptée définitivement. À la différence de ce qui se passe pour les lois ordinaires, l'Assemblée nationale ne peut pas avoir "le dernier mot" en cas de désaccord avec le Sénat.

En octobre dernier, le Sénat avait repoussé par 139 voix pour et 172 voix contre une première proposition de loi constitutionnelle portée par l'écologiste Mélanie Vogel et co-signée par des sénateurs de sept des huit groupes du Sénat, à l'exception des Républicains. En toile de fond, la décision historique de la Cour suprême des Etats-Unis, l'été dernier, de révoquer le droit à l'IVG.

Un amendement "superfétatoire" selon Bruno Retailleau

"Certains d'entre nous veulent tellement introduire une référence à l'IVG dans la Constitution qu'ils sont prêts à accepter n'importe quelle rédaction", a fustigé le centriste Loïc Hervé. Le groupe Les Républicains a très majoritairement voté contre l'amendement Bas, jugé "superfétatoire" par son président Bruno Retailleau. "Le droit à l'IVG n'est pas menacé dans son existence même en France par aucune formation politique", a-t-il martelé. "La Constitution n'est pas faite pour adresser des messages symboliques au monde entier", a-t-il encore ajouté.

Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, avait rappelé dans son propos liminaire la volonté du gouvernement de soutenir "toute initiative parlementaire qui viserait à constitutionnaliser le droit à l'IVG". Concernant la contre-proposition Bas, il s'en est remis à la "sagesse" du Sénat, relevant "une volonté de parvenir à un compromis", mais faisant part d'"un petit doute" sur son effectivité. Il s'est vu reprocher en retour par M. Bas de "rester sur le banc de touche" en ne prenant pas l'initiative d'un texte gouvernemental.

Philippe Bas, qui fut un proche collaborateur de Simone Veil, a défendu dans sa contre-proposition la volonté de "garantir l'équilibre de la loi Veil". "Il n'y a pas de droit absolu", a-t-il souligné, expliquant que sa formule "permet au législateur de ne pas abdiquer ses droits en faveur du pouvoir constituant". La séance a été brièvement suspendue après un incident en tribune: un groupe de jeunes militantes a perturbé l'intervention du sénateur Stéphane Ravier (Reconquête!) aux cris de "Protégez l'IVG", avant d'être évacué par des huissiers.