Le pirate de son compte Facebook a ruiné sa réputation : "J’avais peur d'aller en cours"

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Léa Beaudufe-Hamelin
La réputation de Laurie a été ruinée après que son compte Facebook a été piraté. Le pirate se faisait passer pour elle et envoyait des messages à caractère sexuel à ses contacts. Laurie raconte à Olivier Delacroix qu’elle n’osait plus aller au lycée, de peur des représailles, et a sombré dans la dépression. 
TÉMOIGNAGE

Laurie avait 15 ans quand son compte Facebook a été piraté. Le hacker qui a pris possession de son compte envoyait des messages à caractère sexuel à ses contacts en se faisant passer pour elle. Ce pirate a alors ruiné la réputation de Laurie dans son lycée et l’a fait sombrer dans la dépression. Laurie et sa famille ont porté plainte pour usurpation d’identité. L’adresse IP du pirate a été retracée, mais l’affaire a finalement été classée sans suite. Deux ans après les faits, Laurie relate son calvaire à Olivier Delacroix.

 

Laurie s’est d'abord rendu compte qu’un pirate avait pris possession de son compte Facebook parce que son mot de passe ne fonctionnait plus : "Il a commencé à ajouter 200 personnes sur Facebook. Petit à petit, il est entré en contact avec mes amis et les gens qu'il avait invités pour leur demander leur numéro de téléphone. À partir de ces numéros de téléphone, il pouvait changer les mots de passe des comptes que les gens avaient sur Internet. On peut signaler un compte qui a un contenu indésirable. Donc, j'ai signalé mon compte et j'ai demandé à mes amis qu’ils le signalent eux aussi. Je n’ai pas eu de réponse de Facebook. 

À partir de ce moment-là, il a envoyé des messages d’insultes à mes amis et est entré en contact avec des hommes qui étaient en couple pour leur faire des propositions à caractère sexuel. Certains ont percuté que ce n’était pas moi, mais d’autres, non. En l'espace de quelques messages, il a détruit tout le respect et la confiance qu’avaient mes amis et ma famille pour moi. Il y a des gens qui menaçaient de me casser la gueule quand ils me verraient. Mais il y en a d'autres qui ne me prévenaient pas. Le jour où ils me croisaient, ils me réglaient mon compte."

" Il envoyait des vidéos pornographiques en discussion instantanée à mes amis "

Le pirate a également créé un profil sur un site de rencontres avec les données personnelles de Laurie : "À la suite de messages que j'ai reçus, j'ai déduit que j'étais sur un site de rencontre. Je recevais des messages et des appels de gens qui avaient mon numéro téléphone et qui me disaient : ‘Ça fait plus d'une heure que je t'attends. Tu m'as donné rendez-vous et tu n'es pas là.’ Je leur disais : ‘Je ne t'ai pas donné rendez-vous. Je ne sais pas qui tu es’. Ils ne se demandaient pas qui était la personne derrière le compte Facebook.

Quelques jours plus tard, il a commencé à envoyer des vidéos pornographiques en discussion instantanée à mes amis. Le lendemain, on a porté plainte pour usurpation d'identité. À partir du moment où on a déposé plainte, on n'avait plus le droit de dire aux gens que j’avais été piratée pour ne pas brouiller l'enquête et qu'elle puisse suivre son cours sans que le hacker ne supprime le compte ou les données qu'il avait sur son ordinateur.

" Il m’a construit une image de fille facile "

Les agissements du pirate ont ruiné la réputation de Laurie et l’ont fait sombrer dans la dépression : "Au bout de plus de 2000 messages, on se fait une idée des intentions de cette personne. Il m’a construit une image de fille facile, de fille qui cherche les embrouilles, qui s'en prend à des gens qui ne lui ont rien fait et qui a peut-être détruit des couples. Les gens venaient me voir devant le lycée en me disant : ‘T’en as pas marre de nous faire chier’ ; ou : ‘Arrête de draguer mon mec’. Les gens ne me parlaient que de ça.

J’en parlais à mes parents et à mes frères, aux gens qui étaient très proches de moi. Mais je ne pouvais rien dire à mes amis du lycée parce que ça pouvait être une personne de la classe qui me jalousait peut-être, sans que j’en ai connaissance. Donc, je n'ai pas osé en parler. À partir du moment où il a commencé à salir mon image, j'avais peur. J’avais la phobie d'aller en cours et d'affronter les autres. Personne ne pouvait m’en vouloir, parce que je n'avais de problème avec personne."

" Si on n'a pas de Facebook, on est coupé du monde "

Tristan, le frère jumeau de Laurie, reste très marqué par cette histoire : "Une personne normale ne peut pas faire ça, ne peut pas détruire une personne comme ça. C'était assez difficile. On voit sa sœur partir en live du jour au lendemain. On se sent vraiment impuissant. Dès que le hacker a commencé à chauffer les mecs, j’entendais plein de bruits dans les couloirs du lycée : ‘Ta sœur, c'est une salope’. J'ai changé de lycée et dans mon nouvel établissement, ça circulait aussi. Des affaires comme ça, ça circule vite. C’est quelque chose qu’on ne peut pas rattraper. 

Dès qu'on se connecte, on se pose plein de questions. On a forcément peur. On est obligé d'avoir un compte Facebook parce que tout se passe dessus : la moindre invitation pour une soirée ou les devoirs et les cours parce qu’on a des groupes de classe. Tout se fait sur Facebook. Si on n'a pas de Facebook, on est coupé du monde. Une personne qui n'a pas Facebook, c'est une personne qui n'a pas d'amis."

" Si le hacker a fait ça dans le but de détruire la famille, ça n’a fait que la renforcer "

Sophie et Philippe, les parents de Laurie ont consigné le calvaire de leur fille dans un journal : "Ce certificat indique que Laurie a été absente 109 demies journées. C’est un préjudice parce qu'elle a loupé beaucoup d’heures de cours et le bac arrive à la fin de l'année. Ce sont deux ans de bataille, mais il n’y a pas de victoire au bout. Il manque le nom. Il manque le point final pour pouvoir fermer le chapitre définitivement et passer à autre chose", regrette la mère de Laurie. "Il faut que la personne qui a fait ça à notre fille réponde de ses actes et soit punie, parce que c'est inacceptable", ajoute son père.

Sophie explique que les gendarmes ont fait appel à Microsoft pour retracer l’adresse IP du pirate : "Microsoft a retrouvé une adresse IP. La gendarmerie a fait des recherches et cette adresse IP correspondait à une certaine personne. Donc, on tenait le bonhomme. La justice le tenait aussi et allait faire ce qu'il y avait à faire. En l'occurrence, deux ans après, on se rend compte que non, puisque le procureur nous a envoyé un courrier nous informant que l'affaire était classée. Si le hacker a fait ça dans le but de détruire la famille, ça n’a fait que la renforcer."

Le compte piraté a finalement été clôturé. Laurie s'est alors créé un nouveau compte Facebook, mais confie être toujours ébranlée par ce qui lui est arrivé : "Je pense que tout ira mieux à partir du moment où je pourrai mettre un visage sur cette personne et que je saurai pourquoi il m'a fait ça. J'aurais préféré que la personne qui s'en est pris à moi me mette une claque parce que je l'ai trahie ou fait quelque chose qui ne lui a pas plus. 

J’aurais préféré savoir pourquoi elle faisait ça, plutôt que d'être rabaissée sans savoir pourquoi. J’ai toujours une appréhension quand je vais sur Facebook, mais je n'y pense pas à chaque fois que je me connecte. Pour moi, c'est inconcevable de ne plus avoir de page Facebook. Ce serait montrer au hacker qu'il a gagné. Quand on ne s'est jamais fait pirater son compte, on se dit que ce n'est pas grand-chose. Mais quand on le vit, c'est vraiment différent."

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