Le confinement de Jean Viard : "Il manque les corps, il manque une épaisseur du réel"

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Margaux Baralon
Chaque semaine pendant le confinement, Frédéric Taddeï interroge des invités non plus "En Balade", mais par téléphone, pour leur demander comment ils vivent cette période si particulière. Pour le sociologue Jean Viard, "le plus douloureux" est le "manque de corporalité" avec l'absence des autres, qu'ils soient ou non des proches.

Confiné à la campagne, Jean Viard commence à trouver le confinement décrété pour freiner l'épidémie de coronavirus "un peu pénible". Invité de l'émission de Frédéric Taddeï sur Europe 1, le sociologue a mis en avant le manque des autres. "Je suis un homme de relation", explique-t-il. Pas vraiment fait, ni habitué, à se retrouver seul un si long moment. "Il y a des choses insupportables, comme ne pas voir mes petits-avants les plus jeunes. Je ne peux pas leur parler au téléphone et ils ne comprennent pas pourquoi leur papy a tout d'un coup disparu."

 

>> Pendant le confinement destiné à ralentir la propagation de l'épidémie de coronavirus, Frédéric Taddeï réinvente En Balade avec et interroge, à distance, des personnalités sur la manière dont ils et elles vivent cette période. Retrouvez toutes ses émissions en podcast et en replay ici.

"Quand on passe sur un écran, on réduit la corporalité"

Mais ce que Jean Viard a surtout remarqué, c'est que "ce qui manque, c'est la corporalité, le corps de l'autre". Et cela ne relève pas forcément de la sphère intime. "Pas forcément le conjoint mais le corps des autres, des gens dans la rue, des collègues de bureau", détaille-t-il. "Quand on passe sur un écran, on réduit la corporalité. Il manque une épaisseur du réel, et c'est cela, je crois, le plus douloureux."

Plus globalement, Jean Viard voit dans ce confinement un "événement historique". "Le grand confinement va prendre place dans l'histoire des sociétés. Il y aura un avant et un après", prédit-il. Lui voit dans l'époque "un mouvement totalement contradictoire". D'un côté, le monde se ferme et se barricade, bloquant ses frontières, réduisant la liberté de mouvement pour freiner la propagation de la maladie. "Et en même temps, jamais l'humanité n'a autant coopéré", souligne le sociologue.

"Nous sommes redevenus des citoyens civiques"

 

"On peut critiquer les Chinois qui truandent les chiffres mais les séquences du virus qu'il nous ont données [pour étudier la maladie] sont justes. Par rapport aux pandémies précédentes, c'est la coopération de l'humanité qui va permettre de n'avoir 'que' un ou deux millions de morts", poursuit Jean Viard. "Alors que d'habitude, le tarif habituel d'une pandémie, c'est 50 millions de morts."

 

 

Autre changement induit par l'épidémie : "nous sommes redevenus des citoyens civiques", qui obéissent aux règles édictées. Alors qu'avant, "nous étions surtout des consommateurs grognons", pointe Jean Viard.