L'affaire, toujours irrésolue, des "fiancés de Fontainebleau"

Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme.
Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme. © AFP
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Les meurtres de Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme en 1988 restent toujours sans réponse. L'affaire est prescrite depuis 2011. Chez Christophe Hondelatte, Christian Porte, journaliste travaillant sur les faits à l'époque, revient sur ce mystère toujours absolu.

L'affaire de la mort des "fiancés de Fontainebleau" n'a jamais été résolue. Elle ne le sera jamais sur le plan judiciaire. Les faits sont prescrits depuis 2011. Chez Christophe Hondelatte  jeudi, Christian Porte, journaliste au Républicain de l'Essonne à l'époque, revient sur cette affaire dont il cherche à résoudre l'énigme depuis des années. Il a écrit deux livres sur les meurtres de Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme, en 2007 et 2018.

Disparitions sans réponse. Le 31 octobre 1988 au matin, Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme partent pour une balade en forêt de Fontainebleau. Ils prennent avec eux leur chien. Les heures passent, le soleil commence à se coucher et les deux fiancés ne rentrent toujours pas chez les parents de Gilles. Le soir, les parents s'inquiètent, appellent les hôpitaux. Aucune trace du couple. Le lendemain, la sœur de Gilles décide d'aller sur place, où elle retrouve la voiture des fiancés sur le parking, mais aucun signe suspect. Les deux jeunes gens et leur chien se sont volatilisés.

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Les gendarmes déploient de grands moyens pour retrouver Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme. Deux jours après leur disparition, une battue est organisée, 200 hommes sont mobilisés. Quelques jours plus tard, une seconde battue a lieu. Cette fois-ci, ce sont 700 personnes qui ratissent la forêt. Mais toujours rien. Alors les gendarmes étudient différentes pistes, du côté des chasseurs ou des braconniers notamment, et donc de l'accident de chasse. Les semaines passent, mais toujours rien. Jusqu'à ce matin du 10 janvier 1989. Des chasseurs tombent sur un tas de feuilles duquel dépasse une main. On vient de retrouver Gilles Naudet, Anne-Sophie Vandamme et leur chien. Tous les trois morts.

Exécutés à bout portant. Les corps de Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme sont putréfiés, mais les branchages avec lesquels leurs cadavres ont été dissimulés sont frais. La police scientifique établit vite que les corps sont sur place depuis huit jours, maximum. Les cadavres ont donc été stockés, pendant plus de deux mois, avant d'être déposés ici. Quant au médecin légiste, ses conclusions sont claires. Gilles a cinq balles dans le corps, Anne-Sophie trois et leur chien, deux. Ce ne sont pas des balles perdues. Elles ont été tirées à moins d'un mètre, par deux personnes. Ils ont été exécutés à bout portant.

Dix ans d'attente, puis un procès. Pendant dix ans, l'enquête piétine. C'est finalement le témoignage d'une vieille dame à la gendarmerie qui relance l'affaire. Elle explique que le fils d'une de ses amies a revendiqué le meurtre. Son nom ? Cédric, 17 ans au moment des faits. Et il figure déjà dans le dossier. Il apparaît comme braconnier et était sur les lieux de la disparition.

En garde à vue, il va donner trois versions différentes, qui se mêlent et parfois se contredisent. Il dit avoir tiré sur des ombres qui auraient pu être humaines, donne des détails troublants sur les vêtements des victimes. Finalement, devant la juge d'instruction, il revient sur ses aveux. Une version qu'il tiendra aussi tout au long du procès. Il explique que ses aveux lui ont été extorqués par les gendarmes et que ces derniers l'ont violenté.

Appelés à l'audience pour s'expliquer, les gendarmes montrent en effet une certaine gêne au moment de raconter l'interrogatoire. À l'issue du procès, Cédric est finalement relaxé. Le doute profite à l'accusé. "Je garde dans un coin de ma tête que Cédric sait peut-être des choses. Comme il fréquente le milieu de la chasse et des braconniers, il a peut-être entendu des choses se dirent. (...) Reste que si Cédric est impliqué dans cette affaire, il n'est pas tout seul car il y a deux tireurs", explique Christian Porte, journaliste qui a suivi l'affaire à l'époque pour Le Républicain de l'Essonne.

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Christian Porte et Christophe Hondelatte ©Europe 1

"Judiciairement, il n'y a plus grand chose à faire". Malheureusement pour les familles, le mystère des "fiancés de Fontainebleau" reste entier. Depuis 2011, l'affaire est prescrite. La machine judiciaire pour retrouver le ou les coupables du meurtre de Gilles Naudet et Anne-Sophie Vandamme est arrêtée. "Judiciairement, il n'y a plus grand chose à faire dans cette enquête. Mais moralement, on peut essayer de trouver qui et pourquoi", confie Christian Porte. Une affaire qui le hante toujours. Il a écrit deux ouvrages sur ce fait divers, qu'il cherche toujours à élucider.

Récemment, après la publication de son second livre, Christian Porte a reçu deux coups de téléphone. Des personnes qui souhaitent rester anonymes. "Un des deux témoins m'a donné des précisions sur un suspect, il m'a décrit un certain nombre d'éléments, que seul quelqu'un proche du dossier et de l'affaire peut connaître", explique Christian Porte. "Ce témoin a peur des représailles, car les personnes qu'il désigne sont dans le monde de la chasse", raconte le journaliste. Ces deux témoins ont réalisé un témoignage écrit, qui repose actuellement à l'abri, dans un coffre-fort, chez un avocat. Christian Porte n'a pas pris contact avec le suspect désigné : "je l'ai localisé, mais je ne sais pas encore s'il est vivant". La piste qui permettra enfin la résolution de cette affaire ?