La cour d'appel de Bourges a accordé fin avril la liberté conditionnelle à Jean-Claude Romand, le faux docteur qui avait tué sa famille. 1:01
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Clémence Olivier , modifié à
Jean-Claude Romand, le faux docteur qui avait tué sa famille en 1993, va être remis en liberté en juin. Lundi, sur Europe 1, Christophe Hondelatte revient sur ce fait divers hors norme.

Après 26 ans de détention, Jean-Claude Romand, le faux docteur, condamné à la perpétuité pour avoir tué cinq personnes de sa famille en 1993, doit sortir de prison au mois de juin. La cour d'appel de Bourges lui a accordé fin avril sa liberté conditionnelle. Mais comment cet homme a t-il fait pour tuer sa femme, ses deux enfants et ses deux parents ? Quel était son mobile ? Et comment avait-il pu pendant 15 ans se faire passer pour un médecin qu'il n'était pas ? Sur Europe 1, lundi, Christophe Hondelatte revient sur ce fait divers hors norme, l'un des plus marquants de ces dernières années.

Que s'est il passé le 11 janvier 1993 ?

11 janvier 1993, 4 heures du matin, à Prévessin-Moëns dans l'Ain, près de la frontière suisse. La maison du docteur Jean-Claude Romand, médecin à l'OMS en Suisse et à l'Inserm, et de sa famille est retrouvée en flammes. Les pompiers qui se rendent sur place découvrent trois corps, celui de Florence, l'épouse de Jean-Claude Romand, et ceux de ses deux enfants. Le médecin est lui retrouvé inconscient. C'est le seul survivant de l'incendie. Il est transporté à l'hôpital de Genève, dans le coma. Rapidement, les pompiers s'interrogent. Ils remarquent que le sinistre a pris dans trois endroits différents de la maison. Ils en déduisent que celui-ci n'était pas accidentel. Dans le même temps, les gendarmes tentent de prévenir les parents de Jean-Claude Romand. Ils découvrent que ces derniers ont été abattus à coups de fusil.

Que révèle l'enquête ?

Lors de leur enquête, les gendarmes contactent la maîtresse de Jean-Claude Romand. Elle leur confie que ce dernier a tenté de la tuer le 11 janvier, le jour des autres meurtres, en forêt de Fontainebleau. Il a tenté de l'étrangler avant de s'interrompre et de lui faire promettre de ne rien dire. Les enquêteurs découvrent également que les deux enfants n'ont pas été tués dans l'incendie mais par balle, et que Florence a été tuée à coup de rouleau pâtissier.

A sa sortie de coma, Jean-Claude Romand nie dans un premier temps les faits. Mais devant le juge, il reconnaîtra finalement les meurtres les uns après les autres. Il livre ainsi les détails, affirmant avoir tué sa femme à 8 heures alors qu'elle dormait dans sa chambre et alors même que les enfants regardaient la télé dans le salon. Puis selon son propre récit, il explique avoir demandé à sa fille Caroline, sept ans, de s'allonger pour qu'il prenne sa température et lui tire alors dans le dos avec une carabine. Il explique avoir fait de même avec son fils Antoine, cinq ans. Il va ensuite chez ses parents à Clairvaux-les-Lacs (Jura) et les tue de plusieurs balles dans le dos. Il rejoint ensuite sa maîtresse qui a failli être la sixième victime, rentre chez lui, s'assoie sur le canapé et regarde la télévision toute la journée. A 22 heures, il répand de l'essence dans sa maison, puis à 4 heures il avale des somnifères et craque des allumettes.

Quel est son mobile ?

Lors de leur enquête, les gendarmes découvrent que celui que tout le monde considère comme un grand médecin ne travaille pas à l'Inserm, ni même à l'OMS à Genève, contrairement à ce qu'il racontait à son entourage. Ils découvrent également qu'aucun Jean-Claude Romand n'est inscrit à l'Ordre des médecins. A la fac de médecine de Lyon, ils apprennent que Jean-Claude Romand a bien été étudiant mais qu'il n'a jamais dépassé la 2ème année et n'a donc jamais obtenu de diplôme. Pendant vingt ans, il a donc menti à tout le monde. Et comme il passait son temps à lire des revues médicales, son discours restait crédible. 

Pour vivre, il arnaquait son entourage. Les frères de sa femme lui avaient confié des économies à placer. Il s'est aussi occupé de la vente de la maison de son beau-père lorsque ce dernier est mort et du placement des fruits de la vente. Il a également arnaqué son oncle à qui il a vendu des médicaments expérimentaux contre le cancer, 15.000 euros la boite. Des placebos. Enfin, un an avant le meurtre, sa maîtresse lui avait confié toutes ses économies, l'équivalent de 137.000 euros, afin qu'il les placent en Suisse à des taux soi-disant intéressant. Au total, dans les huit années précédant le drame, Jean-Claude Romand a récupéré un peu plus de 3 millions d'euros. 

Or, dans les mois qui précèdent les meurtres, sa maîtresse veut récupérer son argent. Après des années de mensonges, il se sent coincé, il a dépensé tout l'argent qu'il avait dérobé, il sait que sa vie de mythomane sera révélée au grand jour. Il finit alors par promettre à sa maîtresse de lui rendre l'argent le 11 janvier 1993, le jour des meurtres.

Comment se passe son procès ?

Le procès de Jean-Claude Romand s'ouvre le 25 juin 1996 devant la cour d'assises de Bourg-en-Bresse. Ses avocats expliquent que l'homme s'est retrouvé pris dans un engrenage. Mais l'avocat général n'y croit pas. Selon lui, l'homme a prémédité ses crimes, en achetant des somnifères, des balles, des bombes lacrymogènes, des bidons d'essence. Par ailleurs, l'accusation démonte la théorie du suicide soutenue par l'avocat de Jean-Claude Romand et des experts psychiatres, pointant qu'il ne s'est pas tiré une balle dans la tête mais qu'il a choisi de se calfeutrer dans sa chambre, de placer des linges sous sa porte pour être certain de ne pas mourir intoxiqué par les fumées et qu'il a décidé d'attendre 4 heures du matin pour craquer l'allumette sachant que les éboueurs passent à 4 heures du matin et qu'ils préviendront alors les pompiers. 

A la barre, Jean-Claude Romand ne nie pas, il reste froid et ne s'effondre en larmes qu'au moment où l'on évoque le meurtre de son chien. Il demande toutefois pardon à ses parents, à sa femme et à ses enfants, le dernier jour de son procès. Pour les experts psychiatres, Jean-Claude Romand est responsable de ses actes sans aucun doute, même s'il souffre un narcissisme pathologique. Après quatre heures de délibéré, le verdict tombe : il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assorti d'une peine de sûreté de 22 ans. La peine maximum.