L’affaire Flactif : quand la jalousie mène à l'horreur

 La tuerie du Grand-Bornand, en Haute-Savoie, a défrayé la chronique en 2003.
La tuerie du Grand-Bornand, en Haute-Savoie, a défrayé la chronique en 2003.
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Guillaume Perrodeau
Christophe Hondelatte évoque ce lundi la tuerie du Grand-Bornand. Un quintuple homicide pour lequel David Hotyat a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

L'affaire est restée tristement célèbre. La tuerie du Grand-Bornand, en Haute-Savoie, a défrayé la chronique en 2003. La disparition de la famille Flactif, puis le dénouement de l'histoire, ont marqué les esprits. Chez Christophe Hondelatte lundi, Maître Didier Leick, avocat de David Hotyat, revient sur ce quintuple homicide.

Disparition sans laisser de traces. Mario Leblanc arrive au Grand-Bornand le 11 avril. Le jeune adolescent doit passer quelques jours de vacances chez sa mère, Graziella, et son beau-père, Xavier. Ils ont trois autres enfants : Grégory (6 ans), Lætitia (9 ans) et Sarah (10 ans). Mais lorsque Mario arrive chez sa mère, le jeune homme ne trouve personne. En compagnie d'un ami du couple, il passe la station en revue, mais aucune trace des Flactif. Le lundi matin, les enfants du couple ne se présentent pas à l'école. Les gendarmes décident alors de perquisitionner le chalet des Flactif, en quête d'indices pour expliquer cette mystérieuse disparition. Immédiatement, quelque chose interpelle les autorités. Le frigo est plein, une marmite sur la cuisinière, prête à faire bouillir, les ordinateurs portables sont présents. Tout porte à croire que les Flactif ne s’apprêtaient pas à partir sans donner de nouvelles. Leur voiture, elle, manque pourtant à l'appel.

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Les étranges affaires du couple Flactif. Lors d'une deuxième perquisition, les gendarmes constatent que les ordinateurs portables ont disparu, plusieurs dossiers également, alors qu'ils étaient bien présents lors des premières investigations. Quelqu'un est donc repassé par le chalet pour les prendre. Les Flactif sont-ils revenus récupérer quelques dossiers compromettants ? Car quand les gendarmes s'intéressent de plus près aux affaires de la famille disparue, ils découvrent que Xavier Flactif avait quelques histoires qu'il traînait derrière lui. Le couple a 70 comptes bancaires, dont certains en Belgique et dans des paradis fiscaux. Ils ont également des dettes, beaucoup de dettes : trois millions d'euros. Plus intéressant encore, l'entreprise de Xavier Flactif est au nom de sa femme. Pourquoi ? Car l'intéressé est interdit de gestion depuis une suite d'arnaques dans le nord de la France.

Lorsque les gendarmes entament leur enquête de voisinage, ils se disent que la liste des ennemis du couple pourrait être plutôt longue. Les gens du coin ne sont pas tendres avec cette famille qui a les moyens de s'offrir un chalet de 400 mètres carrés. Un voisin a la dent particulièrement dure contre eux et sur leur train de vie : David Hotyat. Devant les caméras de France 2, il ne mâche pas ses mots, tout comme sa femme, Alexandra. Sur TF1, elle décrit même Xavier Flactif comme "un con", qui prend les gens "pour des esclaves".

Une quatrième perquisition va définitivement faire basculer cette affaire dans l'horreur. Des agents de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) passent tout le chalet au Bluestar, ce produit qui dévoile les traces de sang, même nettoyées. Le chalet en est rempli. Sur les meubles, les murs, les tissus, du sang partout. Les cinq membres de famille ont été massacrés, leurs corps transportés et les lieux nettoyés.

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Maître Didier Leick et Christophe Hondelatte ©Europe 1

Confondu par son ADN et des écoutes. De leur côté, les gendarmes ont une liste de sept suspects, dont un, qui attire particulièrement l'attention : David Hotyat. Depuis le début de l'affaire, il rode autour du chalet pour suivre les investigations des gendarmes et ne manque pas de s’épancher devant les caméras de télévision, où il ne cache pas sa jalousie et la haine qu'il entretient pour le couple Flactif.

Alors, quand les gendarmes techniques arrivent à isoler un ADN inconnu et sans doute celui du tueur, parmi le sang retrouvé dans le chalet, ils lui font passer un test ADN. À lui, et tous les autres suspects. Quelques semaines après, le verdict tombe : l'ADN concorde. Mais plutôt que d'arrêter David Hotyat, les gendarmes le placent sur écoute pour trouver d'éventuels suspects. Tactique gagnante, puisqu'ils se rendent compte après plusieurs semaines que sa femme, Alexandra, et un autre couple, Stéphane et Isabelle Haremza, sont liés à la terrible tuerie. 

Des aveux puis une rétractation. Les quatre suspects sont finalement arrêtés. David Hotyat passe aux aveux immédiatement. Il explique qu'il était venu pour régler un différend immobilier, que la situation a dégénéré, après qu'il ait tué Xavier Flactif par accident. Il conduit les gendarmes là où il a brûlé les cinq cadavres. Des aveux qu'il réitère devant la juge d'instruction.

Pourtant, peu de temps après, et lors du procès qui s'ouvre en 2006, David Hotyat change totalement de version. Ce serait deux hommes armés qui l'auraient assommé, auraient tué toute la famille et l'auraient obligé à aller brûler les corps. Une version à laquelle ne croient pas un seul instant les jurés. De leur côté, ses avocats, dont Me Didier Leick, suivent la version de leur client. Il tente notamment de démontrer que David Hotyat ne s'est pas rendu le 11 avril avec l'intention de tuer les Flactif. "Il gare sa voiture devant le chalet, il attend devant le chalet, sur la terrasse, à la vue de tout le monde", souligne notamment l'avocat, pour montrer l'absence de préméditation.

Ni la version de David Hotyat ni les explications des avocats ne suffiront. Le 30 juin 2006, David Hotyat est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, et ses complices à quinze ans de réclusion pour Stéphane Haremza, dix pour Alexandra Lefevre, et sept pour Isabelle Haremza. Après avoir fait appel, David Hotyat renoncera finalement à ce droit, le premier jour du deuxième procès. "Il en est arrivé, avec nous, au constat que les mêmes causes allaient produire le même résultat (la condamnation)", explique Me Didier Leick. Pour autant, l'avocat refuse d'analyser cette décision comme un aveu. "Je suis aux antipodes de cette lecture", affirme-t-il. Me Didier Leick a d'ailleurs vu David Hotyat "il y a quelques mois". "Sur le fond (sa version, ndlr), il n'a pas bougé", confie l'avocat.