L'affaire du "mur des cons" à nouveau devant la justice : "Ça n'avait aucune vocation à être public"

mur des cons
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Chloé Triomphe, édité par Anaïs Huet , modifié à
L'ancienne présidente du Syndicat de la magistrature, en poste au moment de la révélation du "mur des cons" sur lequel étaient épinglés les portraits de personnalités, est jugée à partir de mardi pour injures publiques.

"Ce pêle-mêle de photos était un défouloir en réaction au contexte de 2013 où les magistrats étaient la cible récurrente d'attaques politiques." Voilà ce qu'explique aujourd'hui le Syndicat de la magistrature, cinq ans après la révélation de ce trombinoscope affiché dans ses locaux. L'affaire, qui avait suscité un véritable tollé, vaut à l'ancienne présidente du syndicat judiciaire Françoise Martres de comparaître pour injures publiques à Paris à partir de mardi.

Un "exutoire". "Il y a cette dimension d'exutoire dans cette période extrêmement dure politiquement, où l'on entend 'le juge doit payer' ou 'le juge est du côté des assassins'. Autant d'expressions qui créent une exaspération très forte, qui va s'exprimer dans la constitution de cet affichage. Surtout, ça n'avait aucune vocation à être public", se défend Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, au micro d'Europe 1. À l'époque, le Front national et l'UMP s'étaient emparés du sujet pour relancer le débat sur l'indépendance des magistrats.

Entendu sur europe1 :
On n'attend pas d'un juge que ce soit un enfant

"Très drôle et très triste". Parmi les photos se trouvaient un certain nombre d'élus de droite, dont Nicolas Sarkozy, Patrick Balkany ou Eric Woerth, des journalistes, des intellectuels, mais aussi deux parents de victimes. Parmi eux figure Jean-Pierre Escarfaille, père de Pascale Escarfaille, victime de Guy George. Il avait été épinglé sur le "mur des cons" car il avait milité pour faire voter la rétention de sûreté, qui permet d'enfermer quelqu'un considéré comme dangereux, y compris après qu'il ait purgé sa peine de prison.

"C'est à la fois très drôle et très triste. Très drôle parce que le terme 'mur des cons', ça me rappelait mes années de collège. C'est enfantin, et c'est d'ailleurs ce qu'a dit la présidente pour se justifier. Mais on n'attend pas d'un juge que ce soit un enfant. Je suis aussi très triste, car le fait que des magistrats puissent se permettre quelque chose comme ça est totalement invraisemblable. Ça implique une partialité, et un magistrat, par définition, doit être impartial", estime-t-il sur notre antenne.

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"Ça abîme l'institution judiciaire". Sur ce trombinoscope figuraient également les portraits de plusieurs confrères magistrats. C'est notamment le cas de Guillaume Didier, ancien porte-parole de la chancellerie. "J'ai été un peu attristé, parce que je me suis dit que je serais peut-être un jour amené à siéger avec ces collègues qui m'avaient épinglé à une audience correctionnelle, pour juger l'un de nos concitoyens", confie-t-il à Europe 1. Cinq ans après, il garde un goût amer en bouche et considère que les conséquences de cette affaire sont plus importantes qu'on ne le croit. "Ça abîme l'institution judiciaire, car ça donne l'image d'une justice partiale et militante. C'est d'autant plus regrettable que c'est difficile de juger les autres. La justice est méconnue de nos concitoyens, incomprise, et ce mur est une caricature."

Aujourd'hui, les répercussions de cette affaire résonnent encore dans les discours de droite et d'extrême-droite, qui l'ont régulièrement invoqué depuis pour dénoncer la partialité de certains magistrats dans des dossiers sensibles et politiques.