L'affaire Anne Caudal : les multiples facettes de Christophe Piédoux

Un portrait d'Anne Caudal, déposé au pied d'un arbre lors d'une marche silencieuse en sa mémoire, le 29 juillet 2011 a Ploërmel où elle travaillait.
Un portrait d'Anne Caudal, déposé au pied d'un arbre lors d'une marche silencieuse en sa mémoire, le 29 juillet 2011 a Ploërmel où elle travaillait. © AFP
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Dans Hondelatte raconte, Christophe Hondelatte évoque l'affaire Anne Caudal, une jeune femme qui avait disparu en juillet 2011, à Bruz en Ille-et-Vilaine.

Christophe Hondelatte revient ce lundi sur la disparition d'Anne Caudal. Une affaire criminelle de 2011, qui rappelle malheureusement l'affaire Alexia Daval.

Disparue sans laisser de traces. Le dimanche 10 juillet 2011, un homme, Christophe Piédoux, se présente à la gendarmerie de Bruz, en Ille-et-Vilaine. Sa compagne, Anne Caudal, a disparu depuis 48 heures. Il est inquiet, très inquiet. Sa femme est partie avec son sac à main, mais sans sa voiture. Lui, tout comme l'entourage de la jeune femme, ne voit pas sa compagne fuguer. Elle est enceinte de trois mois et demi et elle était heureuse dans sa vie.

Immédiatement, la gendarmerie prend l'affaire très au sérieux. Mais l'enquête de voisinage et dans l'entourage d'Anne Caudal ne donne rien. Tout comme les recherches importantes organisées cinq jours plus tard, avec 70 hommes, des plongeurs et un hélicoptère. Anne Caudal a disparu et les gendarmes n'ont aucune piste, aucune trace de la jeune femme.

 

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Les autres vies de Christophe Piédoux. Puis un élément va intriguer les gendarmes : Christophe Piédoux. Selon eux, le compagnon en fait presque trop. Quelque chose, chez lui, paraît feint. Huit jours après la disparition d'Anne Caudal, ils décident de planquer en bas de chez lui, le soir. Ils ne vont pas être déçus quand Christophe Piédoux rentre chez lui. Il est en compagnie d'une femme, une blonde, qu'il embrasse. Elle va garer la voiture pendant qu'il rentre chez lui, puis elle va le rejoindre. Le tout à une date plus que symbolique : l'anniversaire de sa femme enceinte et disparue depuis plus d'une semaine. Convoquée, la femme blonde confirme : elle est bien la maîtresse de Christophe Piédoux. Aux yeux des gendarmes, il n'est pas forcément coupable, mais suspect, inévitablement.

Ce que les gendarmes découvrent dans la foulée ne vont pas les faire changer d'avis. Christophe Piédoux est en réalité marié depuis dix ans, avec une autre femme. Il a deux enfants, et tout ce petit monde vit ensemble en famille, à une vingtaine de kilomètres de Bruz, à Châteaugiron. Les gendarmes convoquent alors la femme de Christophe Piédoux, Sophie. Oui, elle était au courant pour Anne Caudal, mais elle l'acceptait, car il lui promettait de rester pour les enfants. Interrogée sur son emploi du temps le 9 juillet, elle explique qu'elle était dans le centre-ville de Rennes, avec Christophe Piédoux, ce que confirme aussi l'intéressé. Problème, les gendarmes vérifient et le couple Piédoux n'était pas à Rennes le 9 juillet. Ils mentent. Mais pourquoi ?

Témoins clés. Toute l'affaire va alors s'accélérer. D'abord grâce aux voisins d'Anne Caudal, revenus de vacances et qui viennent témoigner à la gendarmerie. Dans la nuit du 7 au 8, ils ont entendu une dispute, des cris de femme, puis un bruit sourd, comme quelque chose de très lourd qui tombe sur le sol. Autre témoignage capital, celui de deux promeneurs. Le 9 juillet, il se promenait autour d'un lac dans les environs de Saulnières. Ils ont aperçu une femme brune, rejoindre un homme dégarni dans un sous-bois. La femme est partie en voiture rouge. L'homme est resté. Les promeneurs ont poursuivi leur route dans le sous-bois, ils sont tombés sur un très gros paquet, enterré mais pas enseveli. Quand ils sont revenus pour voir à la fin de leur promenade, le paquet avait disparu. Les gendarmes font immédiatement le rapprochement avec le couple Piédoux : la description correspond. 

Placée en garde à vue, tout comme son mari, c'est Sophie Piédoux qui craque la première. Elle mène les gendarmes à Nouvoitou, à une vingtaine de kilomètres de Bruz, et les conduit près d'un tronc d'arbre, à côté duquel des os calcinés gisent au milieu de cendres : les restes d'Anne Caudal. Christophe Piédoux explique alors, en détail, les événements dramatiques. D'abord la dispute avec Anne Caudal, qui se met en colère pour qu'il quitte sa femme, la bagarre qui dégénère, sa chute et lui, qui l'étrangle alors qu'elle est au sol. Blessé à un bras, il a obligé sa femme à venir l'aider pour déplacer le corps, puis s'en débarrasser. Repérés près du lac de Saulnières, ils se sont ensuite dirigés vers Nouvoitou.

"Dédoublement de la personnalité". Pour la famille d'Anne Caudal, l'issue de l'affaire est terrible. Au-delà de l'issue tragique, il y a la trahison d'un homme qui a joué la comédie pendant plus d'une semaine, a participé aux recherches avec eux. "Il y a une forme de cynisme qui correspond à une sorte de dédoublement de la personnalité", analyse maître Catherine Glon, l'avocate de Sophie Piédoux.

La famille d'Anne Caudal n'aura pas le droit à un procès. Le 24 août, Christophe Piédoux se pend à la fenêtre de sa cellule en prison. "Il n’aurait pas pu affronter une audience qui l’aurait confronté à cette image de lui-même", explique l'avocate. Trois ans plus tard, Sophie Piédoux sera condamnée à trois ans de prison, dont un avec sursis pour "dissimulation de preuves". "Elle a été entraînée malgré elle dans un drame auquel elle n’a pas contribué", fait valoir maître Catherine Glon, "avec les récits successifs, elle est restée dans la stupéfaction d'un homme qu'elle n'a jamais connu finalement."