La notion d’inceste fait un retour (discret) dans le Code pénal

Le code pénal (photo d'illustration
Le code pénal (photo d'illustration © AFP
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Réclamé depuis des années par les associations, le texte prévoit, sous la forme d’un adjectif, l’inscription de l’inceste dans le Code pénal.

Après plus de 200 ans d’absence, la notion d’inceste fait son retour dans le Code pénal. Le texte, qui prévoit, sous la forme d’un adjectif, l’inscription de l’inceste dans le Code pénal, a été adopté lors du vote de la loi sur la protection de l’enfance, le 18 novembre dernier. La notion d’inceste sera réintroduite sous forme d’une "surqualification" des violences sexuelles commises à l’encontre de mineurs par des membres de leur famille. Ces viols et agressions sexuels seront qualifiés d’incestueux. Ce changement était réclamé depuis de nombreuses années par les associations de victimes, notamment par Association internationale des victimes de l'inceste (AIVI), qui révèle mercredi le chiffre de 4 millions de victimes d’inceste en France.

Quelle est la situation actuelle ? Actuellement, le Code pénal punit les viols et agressions sexuelles, ainsi que les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans. Mais l'inceste n'est pas défini en tant que tel. Néanmoins, le fait de commettre un viol "par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait", aggrave les peines prononcées. Toute personne poursuivie pour ces motifs risquent ainsi jusqu’à 20 ans de prison et non plus quinze ans.

Pour autant, les associations de victimes d’inceste réclament depuis plusieurs années introduire la notion d’inceste dans le Code pénal pour que les victimes puissent se reconstruire en mettant un mot sur les abus dont elles ont été victimes. Si bien qu’en 2010, le législateur avait répondu par la positive à cette demande, avant que le Conseil constitutionnel ne censure en 2011 cette disposition législative. A l’époque, les Sages avaient jugé "imprécise" la notion de "famille" alors utilisée.

Quels sont les changements à venir ? Le texte précise quels sont les membres de la famille susceptibles de commettre des actes incestueux. Seront qualifiés "d’incestueux", les viols et les autres agressions sexuelles "lorsqu’ils sont commis sur un mineur par : son ascendant ; son oncle ou sa tante ; son frère ou sa sœur ; sa nièce ou son neveu ; son grand-oncle ou sa grand-tante ; son cousin germain ou sa cousine germaine". Cette précision vise aussi "le conjoint ou le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes". Un ajout important alors que les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses.

Les associations n’ont pas toutefois pleinement obtenu gain de cause. Le texte ne créé pas d’infraction spécifique. Rien ne change sur le terrain du droit pur, les peines resteront les mêmes. Lorsqu’il sera question d’inceste, seules prévaudront les incriminations pénales déjà existantes, c’est-à-dire la circonstance aggravante de commettre un viol "par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait".

Qu’en pensent les associations ? Les associations de victimes d’inceste estiment que mettre un mot sur un mal permettra de libérer la parole des victimes. "C’est une reconnaissance de notre souffrance et un point de départ pour traiter le problème dans sa globalité", estime Martine Warnier, une victime de 60 ans, abusée par son père alors qu’elle était enfant, interrogée par Le Parisien. "Ce texte vient de dire : ‘oui, l’inceste existe’. Il met fin à un déni collectif", ajoute cette mère de famille, longtemps restée dans le déni jusqu’à ce que sa fille lui révèle qu’elle avait elle aussi été victime de celui-ci.

"Cela donne un autre cadre juridique aux victimes, dans lequel elles peuvent se reconnaître davantage. Nommer cet interdit dans le Code peut les aider à aller mieux", réagit Me Martine Moscovici, avocate spécialisée. Les associations, comme l’Association internationale des victimes de l'inceste, comptent aller plus loin en mettant en place un "plan inceste".