Pierre Péan (à gauche) et Christophe Nick avaient collaboré à plusieurs reprises (photo d'archives). 1:50
  • Copié
Margaux Lannuzel
Invité du Grand journal du soir, vendredi, le journaliste Christophe Nick réagit sur Europe 1 à la mort de son ami et collaborateur Pierre Péan, "ennemi historique" du fondateur de Mediapart. 
INTERVIEW

"C'était le maître de l'enquête, il a appris à toute une génération une éthique, une vision, une rigueur, une humilité et une hauteur de vue." Invité du Grand journal du soir, vendredi sur Europe 1, l'enquêteur et réalisateur Christophe Nick a rendu un vibrant hommage à son ami et collaborateur Pierre Péan, mort jeudi à l'âge de 81 ans.  

"Essayer de comprendre sans jamais juger"

Passé trouble de Mitterrand, diamants de Bokassa... Pierre Péan s'était distingué par ses enquêtes, qu'il refusait de qualifier d'investigations. "C'est un terme de police", souligne Christophe Nick. "Il s'agit de trouver des coupables, vous exercez votre métier en traquant quelqu'un, jusqu'à éplucher des notes de frais... C'était l'inverse absolue de sa conception du journalisme, qui était au contraire d'essayer de comprendre sans jamais juger."

Loin d'une vision manichéenne de la profession, "il n'y avait que des zones grises avec Pierre", estime le réalisateur. "Il avait un amour fou du scoop. Dénicher un papier, trouver au fin fond d'une archive improbable le texte avec le tampon, la signature, l'authentification... Mais ne jamais accabler, ne jamais condamner."

"L'effet de meute, l'acharnement, il détestait ça"

Une conception parfois en décalage avec l'exercice contemporain du métier, reconnaît Christophe Nick. "Il était affolé, il n'osait même plus s'appeler journaliste, il se disait écrivain, et il ne trouvait plus son bonheur qu'en faisant des livres ou des documentaires", assure son ami. "Il adorait l'actu, l'info, mais pas cette espèce d'immédiateté, (le fait) de clouer au pilori. On apprend une affaire et il faut qu'elle soit résolue : pourquoi il n'est pas en prison ?, et pourquoi il n'a pas démissionné ? L'effet de meute, l'acharnement, la désignation d'individus comme coupables ou comme cibles il détestait ça."

Et Christophe Nick de citer l'exemple du traitement de l'affaire des frégates de Taiwan par le journal Le Monde - sur lequel Pierre Péan a publié un ouvrage avec Philippe Cohen, La face cachée du Monde -, dans les années 1980. "Je me souviens que (...) dans Le Monde (cette affaire) était devenue l'affaire Roland Dumas (ancien ministre des Affaires étrangères, ndlr), et que tous les deux jours il y avait un article à la Une du Monde sur Roland Dumas.... Vous avez compris quelque chose aux frégates de Taiwan, vous ?" 

"Il y avait deux conceptions absolues dans notre métier"

Interrogé sur Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart et ancien directeur de la rédaction du Monde, Christophe Nick évoque alors un "ennemi historique". "Il y avait deux conceptions absolues dans notre métier et on le sait tous. Il y avait la conception Péan et la conception Plenel. La conception Péan c'est l'enquête, la conception Plenel c'est l'investigation. La première c'est essayer de comprendre, l'autre c'est accuser."