Jean-Philippe, 50 ans, tétraplégique et "handipreneur" : "il y a une discrimination qui ne dit pas son nom"

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© JEAN-PIERRE MULLER / AFP
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Romain David
Cet ancien chef d'entreprise a créé une plateforme de financement participatif pour soutenir les entrepreneurs en situation de handicap. À l'occasion de la semaine Emploi et Handicap, il revient au micro d'Olivier Delacroix sur le sentiment d'abandon qui l'a poussé à mettre en place ce projet.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Victime en 2006 d'un accident qui l'a laissé tétraplégique, Jean-Philippe, 50 ans, a vu les portes des banques se fermer lorsqu'il a cherché des aides pour financer son entreprise. Dans le cadre de la semaine Emploi et Handicap, il lance lundi 19 novembre une plateforme baptisée "Les Handipreneurs", et destinée à récolter des fonds pour soutenir les projets professionnels portés par des personnes handicapées. Il raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, comment le manque d'investissements des pouvoirs publics à l'égard des personnes handicapées l'a poussé à se lancer dans cette aventure.

"Je suis moi-même 'handipreneur', et je sentais qu'il y avait un manque. J'étais entrepreneur avant l'accident que j'ai eu en 2006, et de 2006 à 2015, date à laquelle j'ai revendu mon entreprise, je me suis retrouvé confronté au manque de financement. Au niveau des banques notamment, et des emprunts. C'est une discrimination qui ne dit pas son nom. Il y a une convention qui s'appelle AERAS ["S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé", ndlr] et qui permet aux personnes invalides, ou grandes malades, d'emprunter, mais à des taux d'assurances qui sont invraisemblables.

 

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Et puis il y a le regard des gens. Quand vous allez chercher des aides aux entreprises, on vous regarde normalement. Et puis vous avez un accident, vous revenez au bout d'un an aux mêmes aides aux entreprises, et on vous regarde un peu différemment, comme-ci vous étiez amoindri intellectuellement. Ce regard m'a vraiment choqué. Je me suis dit que ce n'était pas possible, qu'il fallait que l'on montre que l'on était autant capable qu'avant, avec le parcours que l'on a tous. Fort de ce constat, je me suis aperçu que l'on était en tout 75.000 'handipreneurs' en France.

75.000 entrepreneurs qui ont le sentiment d'être laissés de côté

C'est quelque chose dont on souffre tous. On est à attendre que les choses arrivent, mais ça n'est pas le cas. Tout le monde connaît les chiffres aujourd'hui, que nous soyons un demi-million sans-emploi, que notre taux de chômage progresse deux fois plus vite que les personnes valides… mais l'on met un voile sur ses yeux. […] Je n'accuse personne mais l'ensemble de la société continue de fermer les yeux sur ces chiffres-là, et je trouve ça inacceptable.

Une "paupérisation des personnes handicapées"

L'ensemble de la population se paupérise, nous en sommes à 9 millions de chômeurs. Mais si l'on prend les restes à charge des handicapés notamment, à 200, 300 euros près, on s'aperçoit qu'il y a quasiment un million d'handicapés qui sont sous le seuil de pauvreté. La revalorisation adoptée par le gouvernement d'Edouard Philippe est une bonne chose, va dans la bonne voie, mais elle reste en dessous du seuil de pauvreté. Ça n'est pas suffisant. Il faut aller plus loin.  […] Les choses sont difficiles, pour tout le monde, mais beaucoup plus pour nous."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Jean-Philippe.