Jean-François pense que son frère disparu a été assassiné : "On est dans l’inconnu"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Le frère de Jean-François a disparu il y a six ans dans des circonstances inquiétantes. Ce dernier est persuadé que son frère a été assassiné, mais cela n’a toujours pas pu être prouvé. Il raconte dans "La Libre antenne", sur Europe 1, son combat judiciaire et sa colère face aux erreurs qui ont été commises pendant l’enquête.
TÉMOIGNAGE

Jean-François est persuadé que son frère, disparu en 2013 dans des circonstances inquiétantes, a en réalité été assassiné. Six ans plus tard, l’affaire n’est pas encore résolue. Jean-François exprime au micro de "La libre antenne", sur Europe 1, sa colère. Il raconte à Olivier Delacroix son combat judiciaire qu’il continue de mener pour que l’on retrouve celui qui a tué son frère.

"Mon frère a disparu le 30 novembre 2013. Ce n’est pas une disparition volontaire. On est convaincu, avec la justice et les policiers, qu’il a été assassiné lors de cette soirée du 30 novembre. C’est une disparition inquiétante. Pour résumer, il était ce soir-là en compagnie de trois individus à Saint-Étienne. Mon frère a retiré de l’argent à un distributeur automatique. Ensuite ils se sont rendus sur le plateau du Bessy, sur les hauteurs de Saint-Étienne.

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" Il s’est trouvé en mauvaise compagnie au mauvais moment "
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Selon les dires des trois individus, ils ont laissé mon frère, à sa demande, sur ce plateau isolé et sont partis se restaurer. Pris de remords, ils sont retournés sur le plateau du Bessy et mon frère avait disparu. Ils ne l’ont pas retrouvé, alors ils sont rentrés chez eux. Mon frère ne connaissait pas cet endroit et il fréquentait ces gens-là depuis une petite année. Mon frère n’avait pas de casier judiciaire. Il s’est trouvé en mauvaise compagnie au mauvais moment.

L’enquête de police a bien démarré au début, c’est après que ça s’est gâté. On s’est rapidement rendu compte que ces trois individus mentaient sur beaucoup de points. Le conducteur de la voiture racontait qu’il avait vu mon frère le lendemain. C’était évidemment faux. Les policiers se sont rendu compte qu’il a très rapidement revendu son véhicule, après l’avoir grandement nettoyé, notamment le coffre. Les policiers ont saisi le véhicule et ont procédé à des analyses ADN.

" On se heurte au silence inexplicable de la justice "

Il y a eu une réaction au luminol, c’est un produit qui permet de repérer les traces de sang. Les laboratoires n’ont pas pu déterminer si le sang était d’origine animale ou humaine, parce que c’était trop détérioré et pas interprétable. On s’échine depuis de nombreuses années à demander l’analyse d’éléments pileux qui étaient présents dans cette voiture et qui n’ont jamais été analysés par les laboratoires, parce que la justice ne l’a pas demandé.

On le réclame par le biais de notre avocat et on se heurte au silence inexplicable de la justice. Il y a aussi un CD qui est capital dans ce dossier. Il renferme toutes les fadettes téléphoniques d’un des trois individus qui donne une version différente de ses deux amis. Avec ce CD on aurait pu facilement vérifier si ce qu’ils disaient était vrai ou faux, mais il n’y a plus de CD. Est-ce qu’ils l’ont perdu ? Nous n’avons aucune réponse de la justice depuis des années, malgré l’intervention de notre avocat.

" C’est une affaire où il y a eu des négligences coupables "

Je suis en colère contre la police et la justice parce que les recherches ont démarré deux mois après le signalement de la disparition, alors que les trois individus indiquaient un endroit précis. Les policiers ont mis deux mois avant d’aller voir, et encore deux mois pour faire venir une brigade cynophile. C’est une affaire où il y a eu des négligences coupables, où le travail n’a pas été fait correctement. Ces trois personnes ont été placées sous statut de témoin assisté cinq ans après les faits.

Trois juges d’instruction se sont succédé. La deuxième juge d’instruction a décidé de faire une confrontation entre les trois individus, mais seuls deux d’entre eux étaient présents. Tout au long de cette enquête il y a eu des bourdes, des erreurs, des choses inexpliquées. Ces gens auraient dû passer sous statut de témoin assisté, au bout de six mois ou un an. Les éléments, ils les avaient : la téléphonie, des témoignages, la voiture, des ADN... Il n’y avait pas plus d’éléments qu’il y en a maintenant.

Des policiers m’ont dit que je leur 'cassais les couilles' avec mon dossier et qu’ils n’iraient pas plus loin que la garde à vue. La deuxième juge d’instruction nous a hurlé dessus lorsque nous sommes entrés dans son bureau, nous disant qu’elle ferait tout pour qu’on n’ait pas accès au dossier, qu’elle ne nous dirait rien. Les familles des victimes doivent être informées tous les six mois des avancées de l’enquête, mais ça n’a jamais été fait.

La nouvelle juge d’instruction a eu la bonne idée de donner le dossier pour relecture à l’OCRPV (Office central pour la répression des violences aux personnes) qui est un organisme chargé de s’occuper des affaires non résolues. Je pense que s’ils n’avaient pas donné le dossier à l’OCRPV, il y aurait eu un non-lieu, ce qui nous inquiétait beaucoup. C’est un vrai espoir. C’est ce qui nous tient, que ce dossier soit repris, relu et qu’il avance.

" On ne peut pas faire de deuil "

On ne peut pas faire de deuil. On est dans l’inconnu. Je me dis que ce n’est pas possible, ils ne vont pas s’en sortir comme ça. [...] C’était mon frère unique. Son fils se bat au quotidien avec moi. Il a la même conviction que moi.

La justice se réfugie en nous disant que rien ne peut être fait parce que son corps n’a pas été retrouvé. Il y a des affaires où il n’y avait pas de corps, et on a pu trouver les coupables. Certains juges les auraient mis en examen, d’autres non. La justice est aussi rendue par des hommes et des femmes."