"Gilets jaunes" : quelles suites pour le mouvement ?

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Prévue samedi, la mobilisation s'est poursuivie dans une moindre mesure dimanche, avec des points de blocage maintenus partout en France. Les organisateurs entendent déjà la faire perdurer au-delà.

Près de 288.000 personnes rassemblées dans tous les départements de France : s'ils ne sont pas parvenus à paralyser le pays, les "gilets jaunes" ont réussi le pari de la mobilisation pour protester contre la hausse du prix des carburants, samedi. Dans une moindre mesure, les manifestations se sont poursuivies dimanche, avec des points de blocage sur les axes routiers du sud notamment. Et après ? Le mouvement, qui se veut apolitique et asyndical, prépare déjà la suite.

La difficulté d'une organisation sans cadre

"C'est un succès de participation", estimait samedi soir le politologue Jean-Marie Pernot, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), interrogé par l'AFP. "Par rapport aux mobilisations des syndicats, c'est tout de même un mouvement organisé à partir de rien du tout : il n'y a pas de structure préexistante, pas d'organisateurs (…). Il n'en reste pas moins qu'à partir d'un clic, arriver à mobiliser ainsi, ce n'est pas négligeable, ça a du sens", poursuivait le chercheur, craignant toutefois un "problème de durabilité" lié à cette absence-même de structure.

Le mouvement des "gilets jaunes" est en effet né sur Facebook, à la mi-octobre. Selon une note des services de renseignements, il a été initié par huit personnes, liées par la passion des rassemblements automobiles mais ne présentant pas un profil militant. Si quelques personnalités, comme la pétitionnaire Priscillia Ludosky et l'hypnothérapeute Jacline Mouraud, ont pu "incarner" la mobilisation dans les médias, elles ne font pas figure de leaders à proprement parler.                

Différents appels à prolonger la mobilisation

Cette absence de cadre rend la suite des événements très imprévisible. Dans la nuit de samedi à dimanche, certains des manifestants ont dormi dans leurs voitures sur les points de blocage. "On a de quoi manger, des couettes, du papier-toilette, tout ce qu'il nous faut", prévenait dès la semaine dernière Laetitia Dewalle, l'une des organisatrices du mouvement en région parisienne, interrogée par Le Parisien.

En Seine-et-Marne, Arnaud et ses camarades peuvent tenir plusieurs jours. "La plupart des gens qui sont ici ont déjà posé une semaine de congés au minimum. Tous les derniers congés annuels qu'il nous restait, on les a posés. Certes, notre mobilisation nous coûte de l'argent. Mais si après, on est entendus par le gouvernement qui se dit 'ok, on tape peut-être un peu trop fort sur l'ouvrier', alors ce sera un mal pour un bien", explique-t-il au micro d'Europe 1.

Le site blocage17novembre.com, qui propose une carte interactive des barrages, appelle dimanche soir à une poursuite de la mobilisation pendant "une semaine". Sur Facebook, un événement intitulé "Acte 2 : Toute la France à Paris", prévu samedi prochain, le 24 novembre, a déjà reçu 9.500 réponses positives de participants, tandis que 68.000 utilisateurs se sont dits "intéressés". "On continue dans la force et la détermination", martelait une autre page rassemblant plusieurs milliers de personnes sur le réseau social, appelant notamment à "ouvrir les barrières en opération péages gratuits" pour "toucher l'Etat au portefeuille".

À Concarneau, en Bretagne, un groupe de "gilets jaunes" a indiqué au Télégramme sa volonté d'organiser des blocages de ronds-points "surprise" cette semaine. Reste à savoir quel succès remporteront ces différents appels.

Vers un élargissement du mouvement ?

Sur les banderoles des "gilets jaunes" ce week-end, les slogans ne visaient pas uniquement la hausse du carburant mais aussi la politique fiscale dans sa globalité ou encore le coût des mutuelles. "Ce n'est pas qu'une question d'essence", affirmait samedi une participante au mouvement sur une vidéo filmée par un journaliste et diffusée sur Twitter. Dans plusieurs départements, les organisateurs espèrent ainsi fédérer plus largement. Cela pourrait passer par un "passage de relais" avec les routiers, très représentés au sein du mouvement. À Blois, les chauffeurs de poids lourds devraient prendre possession de certains ronds-points lundi matin, selon La Nouvelle République. À Poitiers, les "gilets jaunes" ont été rejoints par des routiers dès dimanche, ainsi que des ambulanciers et des agriculteurs, rapporte France 3.