Financement libyen de la campagne de Sarkozy : ces questions qui se posent après les accusations de Takieddine

Les accusations de Ziad Takieddine ne sont pas nouvelles, mais cette fois, il affirme avoir lui-même joué les intermédiaires.
Les accusations de Ziad Takieddine ne sont pas nouvelles, mais cette fois, il affirme avoir lui-même joué les intermédiaires. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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C.P. , modifié à
Mis en cause ce mardi par Ziad Takieddine dans l’affaire du financement libyen de la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ont annoncé leur intention de porter plainte. 

"Je veux dénoncer l’état mafieux dans lequel on est en train de vivre." Dans une vidéo publiée ce mardi sur Mediapart, le sulfureux homme d’affaires Ziad Takieddine a une nouvelle fois mis en cause Nicolas Sarkozy et Claude Guéant dans l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. Des accusations vivement dénoncées par les deux intéressés, qui ont annoncé, par la voix de leur avocat respectif, leur intention de porter plainte pour diffamation. Ce que Claude Guéant a directement confirmé à Europe 1.  

  • Quelles sont les accusations portées par Takieddine ?

Les accusations de Ziad Takieddine ne sont pas nouvelles, mais cette fois, il affirme avoir lui-même joué les intermédiaires. Ce proche du régime de Mouammar Kadhafi certifie avoir transporté à trois reprises de l'argent liquide jusqu'au ministère de l'Intérieur [occupé à l’époque par Nicolas Sarkozy, ndlr] entre novembre 2006 et janvier 2007. Soit cinq millions d’euros au total, répartis dans des valises pleines de "billets de 500" et quelques "liasses de 200". Il aurait remis les deux premières valises à Claude Guéant, alors directeur de cabinet du ministre et la dernière à Nicolas Sarkozy en personne. L’argent, assure-t-il, devait servir au financement de sa campagne présidentielle.

Selon Ziad Takieddine, ces valises lui auraient été remises à Tripoli par l’un des chefs des services secrets libyens, Abdallah Senoussi, un proche de Mouammar Kadhafi dont il était le beau-frère par alliance. Interrogé dans une prison libyenne, en septembre 2012, dans le cadre des poursuites de la Cour pénale internationale, Abdallah Senoussi avait affirmé avoir "personnellement supervisé" le transfert de cinq millions pour la campagne en "2006-2007", selon des éléments de l'enquête des juges d'instruction français sur un possible financement libyen.

  • Que répondent les deux mis en cause?

Contacté par Mediapart, Claude Guéant a vivement démenti les allégations de Ziad Takieddine. "Je n'ai jamais reçu d'espèces du gouvernement libyen, non plus de quiconque d'autre du reste. Je n'en ai pas davantage vu passer. Le prétendre est mensonger et diffamatoire", a-t-il déclaré. Par la voix de son avocat, Claude Guéant a indiqué à Europe 1 qu’il comptait porter plainte pour diffamation.

Ziad Takieddine  a déjà été condamné à deux reprises pour avoir diffamé l’ancien secrétaire général de l'Elysée. La dernière remonte au mois de septembre. Dans un reportage de Pièces à conviction, sur France 3, il l’avait accusé d’être allé chercher de l’argent à Genève pour le compte de Nicolas Sarkozy. En 2014, il avait également été condamné pour avoir affirmé que Claude Guéant avait touché de l’argent en marge de la libération des infirmières bulgares de leur prison libyenne. 

L'avocat de Nicolas Sarkozy a quant à lui dénoncé une "manipulation grossière" à quelques jours de l'élection à la primaire de la droite et a annoncé sa volonté de porter plainte. "L'absence de crédibilité a été maintes fois démontrée et il a d'ailleurs déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour diffamation", écrit dans un communiqué Me Thierry Herzog. Le conseil a également dévoilé un PV d'audition datant de 2012 dans lequel Ziad Takieddine déclarait: "Je n'ai aucune relation avec Monsieur Nicolas Sarkozy. Je l'ai rencontré à deux reprises. La première fois, c'était fin 2002 (...). La seconde fois, c'était en novembre 2003." Or, dans l'interview donnée à Mediapart, l'homme d'affaires date leur rencontre au mois de janvier 2007.

  • Où en est l’enquête ?

Une procédure judiciaire a été ouverte en avril 2013 par le parquet de Paris. Elle porte sur des charges de corruption active et passive, trafic d'influence, faux et usage de faux, abus de biens sociaux, blanchiment, complicité et recel de ces délits. Après trois ans d'investigations, les juges d'instruction du pôle financier de Paris disposent notamment de plusieurs témoignages d'ex-hauts responsables du régime libyen qui accréditent la thèse d'un financement occulte, mais aucune preuve ne vient confirmer ces accusations.

Dans le cadre de cette enquête, l'ex-secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, a été mis en examen début mars pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. En cause : la vente alléguée de deux tableaux flamands pour expliquer un virement de 500.000 euros sur son compte.

  • Pourquoi le nom de Ziad Takieddine apparaît dans ce dossier ?

En mai 2012, alors qu'il était entendu par un juge dans le volet financier du dossier de l'affaire Karachi, dans lequel il est mis en examen, il avait notamment déclaré que "les informations révélées par la presse au sujet du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007" étaient "tout à fait crédibles". L’homme d’affaires faisait notamment référence aux révélations de Médiapart sur le versement d’environ 50 millions d’euros par le régime Kadhafi.

Selon Mediapart, Ziad Takieddine a servi "d’introducteur" à Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. C’est lui qui a préparé sa première visite à Tripoli et sa rencontre initiale avec Mouammar Kadhafi, en octobre 2005. À raison d’un ou deux voyages en Libye par mois à compter de cette date, il se serait chargé de la signature de nombreux contrats sécuritaires ou pétroliers, en concertation permanente avec Claude Guéant.