Féminicides : "Notre système ne fonctionne pas", concède Nicole Belloubet

Nicole Belloubet veut que le travail soit davantage mené avec les associations contre les violences faites aux femmes.
Nicole Belloubet veut que le travail soit davantage mené avec les associations contre les violences faites aux femmes. © LUDOVIC MARIN / AFP
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avec AFP , modifié à
Interrogée vendredi sur la mort en Alsace d'une femme de 40 ans, tuée par son mari, la garde des Sceaux a reconnu que notre système ne "fonctionnait pas" face aux féminicides. "Je ne suis pas en train de dire que nous n'avons rien fait", a-t-elle ajouté.

La ministre de la Justice, interrogée vendredi sur la mort d'une femme de 40 ans dont le mari a été mis en examen en Alsace, a estimé que le système ne "fonctionnait pas" pour protéger les femmes. "Je ne suis pas en train de dire que nous n'avons rien fait", a ajouté Nicole Belloubet sur LCI. "Je ne suis pas en train de dire que les magistrats ont failli, je dis simplement que, collectivement, notre système ne fonctionne pas pour protéger ces femmes, et que c'est un drame."

Dimanche soir, une femme de 40 ans blessée mortellement à coups de couteau est morte sous les yeux de sa fille. Cette dernière a accusé son compagnon - depuis mis en examen et écroué - d'avoir porté plusieurs coups de couteau au niveau du cou et du thorax de sa mère. La victime avait déjà porté plainte, le juge avait été saisi, et le compagnon était convoqué le 10 décembre par la justice.

Nicole Belloubet reconnaît une "faille"

"Cette réaction n'était pas à la hauteur de la violence que subissait cette femme", a reconnu Nicole Belloubet. "En terme de délai de réponse et en terme sans doute d'intensité. Parce qu'il y a eu une réponse, et elle ne correspondait pas à la réalité des faits." "C'est cela qu'il faut arriver à mesurer et c'est la bonne décision qu'il faut arriver à prendre", a encore dit la ministre, évoquant notamment la proposition de loi en examen au Parlement qui vise à accélérer les délais pour les ordonnances de protection. 

Nicole Belloubet a reconnu une "faille" dans les dispositifs de protection. "Les policiers et les gendarmes ne travaillent pas assez rapidement avec la justice", a-t-elle avancé, "et nous ne travaillons pas suffisamment avec les associations". En 2018, 121 femmes ont été tuées lors de violences conjugales, selon le ministère de l'Intérieur, un chiffre qui a déjà été dépassé en 2019 selon les associations.

Une mission pour identifier les manques

La ministre doit rendre public "dans les tous prochains jours" le rapport d'une mission confiée en juin à l'Inspection générale de la justice, chargée d'un état des lieux des affaires d'homicides conjugaux et de tentatives d'homicides commises en 2015 et 2016 et définitivement jugées, afin d'identifier d'éventuelles failles.

Sur les 88 dossiers examinés, parmi lesquels 74 meurtres ou tentatives de meurtres, neuf assassinats ou tentatives, et cinq cas de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, "85% des auteurs sont des hommes, 83% des victimes sont des femmes", a indiqué la responsable de la mission, Véronique Jacob, précisant que les faits, "commis de jour comme de nuit" l'avaient été "majoritairement par arme et le plus souvent par arme blanche".

Pour les cas étudiés, l'instruction a duré "17 mois" en moyenne "contre 31 mois" pour toutes les matières pénales confondues, et le quantum de réclusion moyen prononcé est de "17 ans", a ajouté Véronique Jacob.  La mission a identifié "des facteurs de risques qui doivent alerter lorsqu'ils sont réunis. En premier lieu, le risque c'est d'être une femme".

Les antécédents de violences et a fortiori de violences conjugales de l'auteur sont également un facteur de risque, tout comme l'alcoolisme, la jalousie, l'annonce de la séparation et le sentiment de possession, a souligné Véronique Jacob, sans dévoiler les préconisations de l'Inspection pour mieux lutter contre les homicides conjugaux.