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Antoine Terrel , modifié à
Invité lundi d'Europe 1, l'avocat Éric Dupond-Moretti est revenu sur l'impact de la crise du coronavirus sur la justice. "On maintient en prison des gens sans présentation à un juge", alerte-t-il, assurant "qu'on peut envisager de juger des gens dans des conditions sanitaires respectueuses de la santé des uns et des autres".  
INTERVIEW

Il dénonce "une tentation de confiner la justice". Dans une tribune publiée par Le Parisien, l'avocat Éric Dupond-Moretti s'inquiète de l'impact des mesures exceptionnelles prises pendant la crise du coronavirus sur le fonctionnement de la justice et sur le respect de ses principes fondamentaux.

Invité lundi d'Europe 1, il est notamment revenu sur l'une des dispositions les plus décriées de l'état d'urgence sanitaire, une ordonnance du 25 mars qui rendait possible l'allongement de la durée maximale de la détention provisoire de deux à six mois en fonction de la gravité de l'infraction reprochée, de plein droit et sans débat contradictoire devant le juge. "On maintient en prison des gens sans présentation à un juge", alerte-t-il, annonçant d'autres dérives à venir.

"On peut envisager de juger des gens dans des conditions sanitaires respectueuses"

"Depuis la loi des suspects de 1793, on n'a jamais fait ça dans notre pays", fustige le médiatique avocat, qui évoque le cas d'un homme, à Marseille, condamné par un tribunal correctionnel à trois ans ferme, sans avoir été présenté à un juge, sans recours à la visioconférence, et alors qu'il "n'avait pas d'avocat".

Or, selon Éric Dupond-Moretti, il aurait tout à fait été possible, malgré l'épidémie de coronavirus, de continuer les présentations aux juges. "On peut envisager de juger des gens avec des conditions sanitaires respectueuses de la santé des uns et des autres, avec des salles d'audiences aménagées", rappelle-t-il. 

"Une arrogance judiciaire insupportable"

"C'est d'une arrogance judiciaire insupportable, et c'est contraire à tous nos principes", condamne encore Éric Dupond-Moretti, redoutant désormais de nouvelle dérives. "Le procureur général de Paris a lancé l'offensive pour qu'en cette période de coronavirus, on puisse composer des Cours d'assises sans jurés. Or, le jury populaire, c'est une bouffée d'oxygène dans le corporatisme des juges", explique-t-il. Selon Éric Dupond-Moretti, c'est un projet "par les juges, pour les juges". 

Plus globalement, celui qui est parfois surnommé "Acquitor" dénonce "une période funeste pour les avocats". En raison de l'épidémie, "parce qu'on n'a pas pu travailler", près de 25.000 avocats pourraient quitter la profession, prévient-il, regrettant que des magistrats aient profité de la situation "pour montrer leur toute-puissance".