Double meurtre de Montigny-lès-Metz : trente ans après, Francis Heaulme seul devant les assises

© BENOIT PEYRUCQ / AFP
  • Copié
Après de multiples rebondissements, l'enquête sur les meurtres de deux enfants de 8 ans, commis en 1986, pourrait connaître son épilogue lors du procès qui s'ouvre mardi à Metz.  

C'est une nouvelle rencontre d'habitués des tribunaux. D'un côté, le tueur en série Francis Heaulme,  58 ans, déjà condamné à sept reprises pour neuf meurtres. De l'autre, sur le banc des parties civiles, les familles d'Alexandre Beckrich et de Cyril Beining, 8 ans, massacrés à coups de pierre en 1986 à Montigny-lès-Metz, déjà présents aux quatre premiers procès qui auraient pu clore l'affaire. À partir de mardi et pendant quatre semaines, tous se retrouveront devant les assises de Metz pour tenter d'élucider, enfin, un double-meurtre vieux de trente ans.

En 1989, l'erreur judiciaire Patrick Dils. Car jusqu'à présent, la vérité dans ce dossier n'a cessé de se dérober, greffant au deuil des familles un cauchemar judiciaire. En 1987, les enquêteurs croient avoir trouvé le coupable quand ils arrachent des aveux à Patrick Dils, un adolescent de 16 ans fragile et introverti. Le jeune homme est condamné deux fois, à la perpétuité en 1989, puis à 25 ans de réclusion en 2001, avant d'être définitivement acquitté en 2002, au bout de 15 ans de prison.

Un revirement obtenu grâce à un argument de poids : la présence avérée, sur les lieux des crimes, du tueur en série Francis Heaulme. Depuis 1994, ce dernier est en prison grâce à l'abnégation du gendarme Jean-François Abgrall, qui a dédié sa carrière à sa traque, aux quatre coins de l'hexagone. Premier élément troublant : lors d'un interrogatoire mené par l'enquêteur, en 1997, Heaulme a spontanément évoqué une balade à vélo, le long d'une voie de chemin de fer dans l'Est de la France, au cours de laquelle deux enfants lui auraient jeté des pierres. Il a ajouté ne pas s'être arrêté, mais être repassé quelques minutes plus tard et avoir aperçu leurs corps.

La "quasi-signature criminelle" de Francis Heaulme. Au moment des meurtres, le "routard du crime" travaillait de surcroît à quelques centaines de mètres de la voie ferrée. Et dans les jours qui ont suivi les faits, ses collègues l'ont trouvé perturbé. En 2000, il est entendu pour la première fois dans ce dossier et dépeint la scène avec une précision laissant peu de place au doute. L'éclairage de la voie, "sous forme de néon", le talus à l'entrée du tunnel sous le chemin de fer, les ronces qui l'encombrent. "Seriez-vous capable de tuer deux enfants qui vous jettent des cailloux ?" demande Abgrall. "Oui, mais ce n'est pas moi à Montigny-lès-Metz", répond alors Francis Heaulme.  

Mis en examen en 2006, Heaulme bénéficie d'un non-lieu l'année suivante, faute de charges estimées suffisantes. Son renvoi devant les assises de la Moselle, acté par la Cour de cassation en 2013, ne tient qu'à la ténacité de Chantal Beining, mère de l'une des victimes, la seule à avoir fait appel pour obtenir une nouvelle instruction. Au cours de cette dernière, de nouveaux éléments à charge sont retenus contre Francis Heaulme. Il y a notamment deux témoignages attestant avoir vu le tueur en série le visage ensanglanté, à quelques kilomètres de l'endroit des crimes, peu après la découverte des corps. Et un rapport des enquêteurs spécialistes de son profil, qui jugent que les meurtres de Montigny portent sa "quasi-signature criminelle".

"Le plus crédible comme coupable". Un faisceau d'indices qui a déjà conduit Heaulme devant la cour d'assises de la Moselle pour le double meurtre, en 2014. Mais à l'époque, des témoignages de dernière minute ont fait resurgir dans ce dossier le nom d'Henri Leclaire, un manutentionnaire de la région de Metz, poussant les assises à suspendre l'audience. En 1986, l'homme avait déjà été entendu par les enquêteurs, puis blanchi. Les investigations menées depuis ont abouti aux mêmes conclusions, écartant définitivement l'hypothèse d'un procès à deux accusés. "Comme Heaulme est considéré comme le plus crédible comme coupable, on fait le vide autour de lui", analyse l'avocate du "routard du crime", Liliane Glock.

Très attendu par les familles des victimes, le procès devrait cette fois arriver à son terme. Livrera-t-il les réponses aux questions qu'elles se posent depuis plus de trente ans ? Son déroulé reposera en tous cas essentiellement sur les dizaines de témoignages prévus et les déclarations de l'accusé : dans le dossier de Montigny, les scellés ont en effet été détruits légalement, quelques années après la première condamnation de Patrick Dils, en l'absence de cour d'assises d'appel à l'époque. De nombreuses pièces à conviction, dont certaines auraient pu permettre des vérifications ADN, ont ainsi disparu.