"Disparus de l'Ariège" : l'acharnement d'une ex-compagne, mobile des meurtres ?

Christophe Orsaz et sa fille Célia étaient portés disparus depuis novembre (photo d'archives).
Christophe Orsaz et sa fille Célia étaient portés disparus depuis novembre (photo d'archives). © DR
  • Copié
avec AFP
Sept mois après leur disparition, un homme et sa fille ont été retrouvés morts, mardi dans l'Ariège. Une ex-compagne du père et son actuel conjoint sont soupçonnés d'avoir agi par vengeance.

Sur le plan judiciaire, tout s'est brutalement accéléré mardi. Mais en coulisses, les enquêteurs explorent la même piste depuis des semaines : celle du meurtre d'un père et de sa fille par une ex-compagne du premier, motivée par le désir de vengeance. Les victimes sont ceux que les médias ont surnommé les "disparus de Mirepoix", du nom du village où résidait Christophe Orsaz, quadragénaire paysagiste. L'homme et sa fille Célia n'avaient plus donné signe de vie depuis le 30 novembre dernier. Leurs corps sans vie ont finalement été retrouvés au terme de sept mois d'enquête, sur les instructions d'un complice de l'ex-conjointe.

Leur voiture retrouvée brûlée. "Christophe Orsaz, 46 ans, et sa fille Célia, 18 ans, ont été vus pour la dernière fois sur le secteur de Lavelanet, en Ariège, à 16h36, le 30 novembre à bord d'un véhicule". Début décembre, le signalement diffusé par la procureure de la République de Foix comporte peu d'éléments : les gendarmes savent seulement que ledit véhicule a été retrouvé brûlé  le soir même, "dans l'Aude, aux abords d'une forêt". "Aucune piste n'est écartée" et une description précise des deux disparus est largement diffusée. Le jour où il s'est volatilisé, le jardinier portait un pantalon de travail orange à bandes grises.

Un juge d'instruction est rapidement désigné et les vies du père et de la fille passées au peigne fin. Célia, étudiante à Toulouse, fait régulièrement l'aller-retour pour séjourner à Lavelanet. "Exquis, bien élevé, ponctuel et courtois" selon l'un de ses employeurs interrogé par Le Parisien, son père est un homme sans histoire. Certains de ses proches et clients rapportent seulement qu'il se plaignait récemment de l'attitude d'une ex-compagne, qui le harcelait. "Christophe m'en parlait fréquemment, sans entrer dans les détails, parce qu'il disait qu'elle lui pourrissait la vie depuis leur séparation", témoignera une employeuse du jardinier auprès de La Dépêche.

"Elle le traitait de pervers narcissique". Christophe Orsaz a même perdu des clients : son ex en a contacté plusieurs pour le décrédibiliser, photos et vidéos compromettantes à l'appui. "Elle disait m'alerter pour protéger ma mère de cet homme", a raconté au Parisienle fils d'une autre employeuse du paysagiste. "C'est vrai, j'ai pensé qu'elle voulait se venger de cette séparation et lui nuire. Elle le traitait de pervers narcissique et assurait qu'il lui devait entre 10.000 et 15.000 euros. J'ai donc conseillé à ma mère de se séparer de Christophe, ce qu'elle a fait."

La piste est prise au sérieux par les gendarmes, qui placent sur écoute la quinquagénaire, infirmière de profession. Ses conversations avec son actuel conjoint, mécanicien, les intéressent particulièrement : elle y évoque Christophe Orsaz et sa fille dans des termes "sans équivoque", selon un enquêteur cité par La Dépêche. Indice supplémentaire : les téléphones portables des disparus, qui ont cessé d'être actifs le 30 novembre en fin d'après-midi, ont émis pour la dernière fois aux environs de la commune de Bélesta, en Ariège. C'est là que réside le compagnon de la suspecte.

"Correction" ou préméditation ? Lundi matin, le couple est interpellé et placé en garde à vue. Tous deux nient d'abord les faits. Mais dans la nuit, le mécanicien craque et reconnaît avoir voulu administrer une "correction" à Christophe Orsaz, sans intention homicide : sa compagne lui aurait présenté son ancien conjoint comme quelqu'un de dangereux, allant jusqu'à écrire de fausses lettres de menaces qu'elle lui attribuait.

Le scénario qui se dessine est glaçant : pour attirer le paysagiste, le couple aurait organisé un faux rendez-vous professionnel, sur la commune de Lavelanet. L'homme s'y serait arrêté sur le chemin de la gare, où il avait l'intention de raccompagner sa fille. Sur place, les suspects l'auraient frappé à mort avec une barre de fer, avant de se rendre compte de la présence de Célia, hurlant dans la voiture. Le mécanicien l'aurait alors attachée dans le véhicule, conduite dans une forêt voisine, abattue à l'aide d'un fusil de chasse et sommairement enterrée.

Un mobile encore flou. Le mécanicien consent à conduire les gendarmes jusqu'aux corps : le premier est retrouvé dans la fosse sceptique d'une maison abandonnée, dans un hameau n'abritant que quelques résidences secondaires. Le second dans la forêt, comme indiqué par le suspect. Entre temps, le couple a changé de version, expliquant désormais avoir préparé un "projet criminel" visant Christophe Orsaz dès le mois d'octobre 2017.

Tous deux devraient être présentés au juge d'instruction mercredi, en vue d'une mise en examen pour "assassinat et meurtre en concomitance d'un autre crime", le critère de la préméditation n'ayant pas été retenu pour Célia. Concernant son père, si le mobile précis du crime reste "à cerner" selon le parquet, la deuxième version des suspects semble pour l'instant plus crédible : en vue du guet-apens, le couple avait réalisé de nombreux préparatifs, notamment l'acquisition de bracelets "Serflex" pour menotter leur victime.