Devoirs à la maison : comment doser ?

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La fin des vacances de la Toussaint est actée… et signe l'arrivée de nouveaux devoirs à faire à la maison. Mais y a-t-il une juste dose ?

Les élèves travaillent-t-ils trop ou pas assez chez eux ? Posée depuis la naissance des devoirs à la maison, la question fait actuellement l'objet d'une épineuse polémique en Espagne. Comme le raconte Le Monde, les principales  associations familiales espagnoles ont appelé en novembre à faire la "grève des devoirs", au moins le weekend. "La surcharge de devoirs est une source d’échec et d’abandon scolaire. On se rend compte qu’au fur et à mesure que les enfants avancent dans le cursus scolaire, la démotivation l’emporte sur le plaisir initial d’aller en classe et qu’ils finissent par détester l’école", martèle José Luis Pazos, le président de la Ceapa, qui réunit 12.000 associations de parents d'élèves. Selon un sondage paru dans le journal El Pais, 61 % des parents espagnols considèrent en effet que leurs enfants ont "trop" de devoirs à la maison.

>> Mais comment savoir s'ils en ont "trop" ? Quelle est la juste dose ? Peut-on la calculer ? Eléments de réponse.

Quel pays travaille le plus ses devoirs à la maison ? L'Espagne est loin d'être la plus assidue en la matière, à en croire la dernière étude de l'OCDE sur la question. Selon l'organisme, qui ne s'est pas intéressé à l'école primaire, les adolescents espagnols travaillent un petit peu plus de 4 heures par semaine en dehors des cours, contre 4,9 heures dans la moyenne des 37 pays comparés par l'étude. Les collégiens français, par exemple, travaillent environ 5,2 heures par semaine. Une goutte d'eau comparée à Shanghai (13,8 heures !), la Russie (9h), l'Italie (8,5) ou l'Irlande (7,5). Un océan par rapport à la Finlande (2,5), la Corée (2,9) ou la République Tchèque (3,1).

Y a-t-il un ratio devoirs-résultats scolaires ? L'OCDE semble émettre un avis plutôt favorable à une forte quantité de devoirs. "Les élèves qui consacrent davantage de temps aux devoirs obtiennent en général de meilleurs scores", écrivent les experts. En France, en mathématiques par exemple, les élèves qui font une heure de devoirs hebdomadaire de plus que la moyenne voient leur score s'améliorer de 13,4 points sur 500 au classement Pisa, un classement élaboré par l'OCDE qui fait référence au niveau international. En Chine, au Japon ou à Singapour, cela monte à 17 points en plus par heure de devoir supplémentaire.

Cela ne signifie pas non plus que les devoirs sont nécessairement la cause de ces bons résultats. En effet, cela peut simplement vouloir dire que ce sont les meilleurs élèves qui font le plus leurs devoirs. En outre, le classement connaît des disparités selon les pays. Pour le Monténégro, la Turquie, la Suisse, les Etats-Unis, la Croatie, la Colombie ou le Canada, les élèves obtiennent de meilleurs résultats si on leur enlève des devoirs à faire. Pour l'Australie, la Lettonie, la Slovaquie ou l'Irlande, cela ne change rien. Conclusion de l'OCDE : "ce sont d’autres facteurs, tels que la qualité de l’enseignement et le mode d’organisation des établissements, qui influent davantage sur la performance globale des systèmes d’éducation".

" Les enseignants devraient trouver les moyens d’encourager les élèves défavorisés "

Enfin, les devoirs sont soupçonnés d'accroître les inégalités sociales. D'après l'OCDE, un élève issu d’un milieu favorisé consacre d'ailleurs 1,6 heure de plus par semaine aux devoirs qu’un élève issu d’un milieu défavorisé. "Les élèves favorisés sont plus susceptibles que les élèves défavorisés de disposer d’un endroit adéquat pour étudier chez eux et d’avoir des parents impliqués, c’est-à-dire en mesure de leur transmettre des messages positifs sur l’école et l’importance de s’acquitter des tâches demandées par les enseignants, notamment de faire régulièrement ses devoirs", décrypte l'OCDE.

Conclusion : il n'est pas certain qu'accroître la dose de devoirs pour un élève défavorisé lui permette d'avoir de meilleurs résultats. "Les établissements et les enseignants devraient trouver les moyens d’encourager les élèves en difficulté et défavorisés. Ils pourraient proposer d’aider les parents à motiver leurs enfants […] et offrir aux élèves défavorisés la possibilité de faire leurs devoirs dans un endroit calme lorsqu’ils n’y ont pas accès à la maison", insiste l'OCDE.

Pas plus de 10 minutes en primaire ?  Dans son étude comparative, l'une des rares disponibles sur le sujet, l'OCDE ne prend en compte que les collégiens de l'âge de 15 ans. Or, de nombreux spécialistes estiment que la donne change radicalement pour les élèves d'écoles primaires. Une étude australienne, menée en 2012, estime que c'est précisément à partir de 15 ans que les devoirs "renforcent les performances scolaires des élèves". Auparavant, leur efficacité n'est prouvée par aucune étude, pas même le classement Pisa.

Cité par Slate, Harris Cooper, professeur d'éducation à la Duke University (Caroline du Nord, Etats-Unis) a lui aussi fait ses calculs en comparant le temps de travail fait à la maison et les résultats solaires. Selon lui, il ne faudrait pas plus de 10 à 15 minutes de devoir par soir en primaire, et un supplément de temps de travail n'excédant pas plus de 10 à 15 minutes pour les années suivantes, ce qui donnerait le temps aux élèves de s'adonner à d'autres activités comme le sport ou la musique.

En 2001, un article publié sur le site de l'Académie de Lyon allait même encore plus loin, appelant à supprimer les devoirs à tous les étages de la scolarité. "Les recherches récentes dans le domaine de la physiologie et de la psychologie de l’enfant appuient leurs conclusions sur le seuil de fatigabilité infantile. Un enfant qui a effectué une journée de travail à l’école a 'rempli son contrat'", pouvait-on lire sur cet article toujours en ligne.

En Résumé :

> Selon l'OCDE, tout dépend des pays et de la classe sociale des élèves. Après 15 ans, si l'élève dispose d'un espace confortable et calme, s'il est encouragé et s'il jouit d'un système éducatif compétent, il n'y a pas de limites.

> Beaucoup de scientifiques estiment en revanche qu'il faut supprimer ou limiter à 10 ou 15 minutes par soir la dose de devoir à faire à l'école primaire.