Des "salles d'asile" aux écoles maternelles : comment l'école des touts-petits a évolué

école maternelle crédit : FRANK PERRY / AFP - 1280
Les enfants seront toujours accueillis à partir de deux ans mais l'inscription en maternelle sera obligatoire à partir de trois ans © FRANK PERRY / AFP
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M.R. , modifié à
"Salles d'asile", "écoles à tricoter", "écoles enfantines", l'accueil des touts-petits a connu de nombreuses évolutions au fil du temps avant de devenir l'école maternelle que l'on connaît en 2018.

À la rentrée 2019, l'école maternelle sera obligatoire à partir de trois ans, contre six aujourd'hui, a annoncé mardi Emmanuel Macron lors des Assises de la maternelle. Ce dispositif, qui ne devrait concerner que les 26.000 enfants qui ne sont pas scolarisés avant le CP, vise à réduire les inégalités. Un objectif bien loin de celui des "conductrices de la tendre enfance" qui s'occupaient des plus jeunes dans les "salles d'asile" du XIXème siècle. Retour sur l'évolution de l'accueil des touts-petits.

XVIIIème siècle - Une oeuvre de charité chrétienne

Traditionnellement, les enfants issus des milieux les plus aisés sont confiés à des nourrices tandis que ceux issus du monde rural sont gardés par des voisins ou des membres de la famille. Mais à partir du XVIIIème siècle, les tous-petits sont rassemblés dans un lieu d'accueil collectif, une oeuvre de charité accomplie par l'Église. 

XIXème siècle - Des "salles d'asile" pour apprendre à tricoter

Mais dès le XIXème siècle, l'accueil des jeunes enfants devient une affaire d'État. Comme les femmes se mettent à travailler, notamment dans les usines, il faut trouver une solution pour garder les enfants. Des "écoles à tricoter" ou "salles d'asile" ont alors ouvert pour accueillir les enfants de deux à sept ans issus de familles pauvres. Ils y apprennent à chanter, filer, tricoter, mais aussi à lire l'alphabet et à calligraphier sous la direction de "conductrices de la tendre enfance".

Milieu du XIXème siècle - Se préparer à une "vie honnête, décente et chrétienne"

Petit à petit, ces "salles d'asile" changent de mission sous l'impulsion des premières inspectrices générales des salles d'asile dont Pauline Kergomard. Ces classes alors cessent alors d'être uniquement des garderies où l'on cherche avant tout à protéger l'enfant des dangers de la rue et à lui inculquer des valeurs morales et religieuses pour se tourner vers l'éducation et l'enseignement.

Ces "écoles enfantines" mettent en place un programme d'enseignement institutionnalisé pour faire acquérir aux enfants des habitudes d'ordre, de propreté, de bienveillance mutuelle qui les prépare à une "vie honnête, décente et chrétienne".

À partir de 1881 - Des lieux d'éducation et d'enseignement

À partir de 1881, les "écoles enfantines" deviennent des "écoles maternelles" et sont officiellement intégrées au cycle de l'enseignement primaire et ouvertes aux enfants de deux à six ans. Elles sont alors réellement devenues éducatives. Mais jusqu'en 1945, ces écoles sont surtout fréquentées par les plus grands issus de milieux modestes dans les villes.

Après 1945 - Des écoles largement fréquentées

Après la guerre, ces écoles sont plus largement fréquentées par l'ensemble de la population et se sont également implantées en milieu rural. Entre 1945 et 1980, le nombre d'enfants scolarisés est multiplié par 4,65 pour atteindre 1,8 million en 1978, selon un document de l'Académie de Nancy-Metz. La loi relative à l'éducation de 1975 assure à tout enfant de cinq ans le droit d'être accueilli dans une école maternelle.

"Sans rendre obligatoire l'apprentissage précoce de la lecture ou de l'écriture, la formation qui y est dispensée favorise l'éveil de la personnalité des enfants. Elle tend à prévenir les difficultés scolaires, à dépister les handicaps et à compenser les inégalités", mentionne l'article 2 de la loi Haby (11 juillet 1975). La maternelle est alors perçue comme un lieu d'épanouissement et de développement de l'enfant.

Deux ans plus tard, une circulaire fixe les conditions d'accès à cette école pour les enfants des deux sexes, âgés de deux à six ans, avec des objectifs éducatifs, d'appropriation des premiers savoirs et de gardiennage.

De 1977 à 2018 - Aider l'enfant "à devenir grand"

Comme l'école primaire, l'école maternelle connaît par la suite de nombreux changements de programmes. La réforme de 2002, par exemple, axe l'enseignement en école maternelle sur cinq fondamentaux : le langage, le vivre ensemble, agir et s'exprimer avec son corps, découvrir le monde, développer la sensibilité, l'imagination, la création.

Celle de 2015 remet en cause le principe de la classe de grande section conçue comme une passerelle vers le CP et insiste davantage sur le langage et la pédagogie par les jeux que sur l'apprentissage de la lecture. Aujourd'hui l'école maternelle a "vocation à éduquer et socialiser les enfants de deux à six ans" en leur donnant le moyens de 'devenir grands'", selon une publication de l'Éducation nationale sur l'école maternelle en France.

Et pour que tous les enfants aient cette chance d'accéder à l'enseignement dès le plus jeune âge, Emmanuel Macron a annoncé qu'il rendrait l'école maternelle obligatoire à partir de trois ans dès la rentrée 2019, une première depuis 1882. "La République s'est inventée dans et par l'école et c'est à l'école aujourd'hui que se tisse l'étoffe de notre bien commun", a déclaré le président mardi.

Pourquoi l'école maternelle s'appelle-t-elle "maternelle" ? :