Décret anti-immigration de Trump : quelles conséquences pour les binationaux français ?

Les titres de séjour délivrés aux binationaux français avant le décret sont-ils toujours valides ? (photo d'illustration)
Les titres de séjour délivrés aux binationaux français avant le décret sont-ils toujours valides ? (photo d'illustration) © THOMAS COEX / AFP
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Depuis vendredi, l'entrée aux Etats-Unis est interdite aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Le sort des Français originaires de ces pays, naturalisés ou binationaux, est incertain.

Jeudi, Nima Sarkechik a réglé les derniers détails de son voyage à New York, où il doit assister à un concours de violon, fin février. "L'ambassade m'a dit que je recevrai bientôt mon passeport", raconte ce pianiste franco-iranien à Europe1.fr. "Et puis il y a eu ce texte complètement moyen âgeux et depuis, je ne sais plus quoi faire." Ce texte, c'est un décret "anti-immigration", signé par le nouveau président américain Donald Trump, et qui interdit - provisoirement - l'entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, dont l'Iran. "Nous ne les voulons pas ici", a justifié le milliardaire, qui nie toute discrimination et affirme agir au nom de la lutte contre le terrorisme.

Les binationaux concernés par le décret ? Nima Sarkechik est né en France, de parents iraniens, et possède deux passeports. Pendant des années, il s'est rendu aux Etats-Unis pour des concerts en remplissant un formulaire "ESTA", comme tout citoyen français souhaitant faire du tourisme outre-Atlantique. "Depuis 2015, la législation a changé pour les binationaux : c'est pour ça que j'ai du faire une demande de visa, c'était déjà plus compliqué", s'agace-t-il. "Mon passeport iranien n'est même plus valide ! Mais avec la consonance de mon nom, on remontera toujours à mes origines. C'est scandaleux."

Depuis, le pianiste est "dans le flou". Car si le décret est clair concernant les ressortissants des sept pays concernés - l'accès aux Etats-Unis leur sera interdit pendant 90 jours, jusqu'à ce que "les politiques les plus sûres" soient mises en place, selon les mots de Donald Trump - les conditions de son application aux binationaux ne sont pas clairement définies. "D'après ce que rapportent les médias anglo-saxons, on va plutôt vers un scénario où les personnes ayant l'une des nationalités désignées en plus d'une autre sont concernées par le décret", explique Serge Slamer, maître de conférences en droit public. "Mais rien n'est encore sûr."

Une exception britannique. En attendant la clarification, un pays a pris les devants : après des "conversations avec le gouvernement américain", le ministre des Affaires étrangères britannique, Boris Johnson, a obtenu une exemption aux nouvelles restrictions pour ses citoyens naturalisés et binationaux, lundi. Seuls les binationaux "venant de l'un des sept pays, par exemple un Britannico-libyen se rendant aux Etats-Unis depuis la Libye" sont susceptibles d'être soumis à des "vérifications supplémentaires". Sollicité, le ministère des Affaires étrangères n'a pas donné suite aux questions d'Europe1.fr quant à d'éventuelles négociations similaires concernant les binationaux français.

"La nuance est pourtant capitale", souligne Serge Slamer. "Si les binationaux sont concernés, l'impact est beaucoup plus important : cela voudrait dire que les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié avant d'être naturalisées françaises ne pourraient plus se rendre aux Etats-Unis, par exemple." Contactée par Europe1.fr, la compagnie Air France a affirmé qu'aucun des passagers qui se sont vu refuser l'accès à un vol pour les Etats-Unis depuis samedi en application du décret n'était binational.

En attendant, Nima Sarkechik a pris contact avec un groupement d'avocats de Californie, "qui travaillent gratuitement pour aider les ressortissants concernés à faire valoir leurs droits". "Ils me disent qu'il ne vaut mieux pas que je vienne quoi qu'il en soit, que je m'expose à un autre changement, à être coincé je ne sais-où sur le territoire américain", soupire-t-il. Le Franco-iranien n'a pas contacté le service de l'ambassade qui lui avait promis son visa, jeudi. "Ils ne font qu'appliquer les textes. C'est Donald Trump qui a mis cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes."