De Vidocq à Broussard, ces cinq qualités qui font les "grands flics"

Dans leur livre, Claude Cancès et Charles Diaz retracent le parcours de célèbres "grands flics".
Dans leur livre, Claude Cancès et Charles Diaz retracent le parcours de célèbres "grands flics". © Europe 1
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Claude Cancès et Charles Diaz se sont attardés jeudi matin chez Wendy Bouchard sur les grands flics qui ont fait le 36, quai des Orfèvres, la police judiciaire de Paris.
LE TOUR DE LA QUESTION

Si la police judiciaire a quitté le 36, quai des Orfèvres pour la porte de Clichy, à Paris, l'institution conserve ses figures mythiques qui ont fait sa renommée. Eugène-François Vidocq, Martine Monteil, Robert Broussard… L'ancien directeur de la police judiciaire parisienne Claude Cancès et le commissaire général de la police nationale et historien de la police Charles Diaz retracent l'histoire des "grands flics" du "36" dans un livre* qu'ils sont venus présenter à Wendy Bouchard, jeudi, sur Europe 1. Et pour figurer dans ce livre, chacune de ces figures de la police a brillé par des qualités bien particulières qui ont bâti leur renommée. Voici donc, d'après ces deux auteurs, les qualités qui font un "grand flic".

Etre audacieux

L'homme à l'origine de la police judiciaire n'est pas un préfet ou un fonctionnaire, mais un bagnard. Escroc à la fin du 18ème siècle, Eugène-François Vidocq réussit systématiquement à s'évader, sans pourtant parvenir à échapper à la police. "À chaque fois qu'il se fait prendre, il comprend qu'il ne peut pas bâtir une nouvelle vie. Alors il va voir le chef de la division de l'époque qui s'occupe des affaires criminelles, Henry 'l'ange malin', et lui propose de devenir son employé", raconte Charles Diaz. "L'ange malin" accepte. D'abord officieux, le rôle de Vidocq sort progressivement de l'ombre et il devient en 1811 le chef de la première brigade de sûreté, ancêtre de la "PJ".

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Faire preuve d'éthique…

"Quand j'ai débuté chez l'inspecteur, les vieux flics m'ont dit : 'Le môme, tu vas être obligé de travailler avec les voyous et les prostituées. Tu peux boire un coup, que tu peux rembourser, et partager un repas, que tu peux te payer. Mais il ne faut jamais accepter la petite enveloppe en guise de cadeau", se rappelle l'ancien directeur de la PJ parisienne, Claude Cancès, alors jeune chef de section à la brigade criminelle du "36" dans les années 1970.

… mais ne pas être irréprochable

"Il n'y a pas de police sans indicateurs." Qui dit 36 quai des Orfèvres, dit aussi "indics", ces personnes chargées de donner des tuyaux aux policiers pour les aider à résoudre des enquêtes. En échange de quoi, expliquent Claude Cancès et Charles Diaz, de sommes d'argent versées en fonction de la qualité des renseignements fournis à la police. Mais aussi de services divers, comme "une petite couverture" pour des activités délictueuses, comme le trafic de drogue. "On peut fermer les yeux. (…) On ne fait pas de police comme des enfants de cœur", admet sans ambages Claude Cancès.

Se montrer inspiré avec les voyous

La scène se passe le 28 septembre 1973, dans un appartement parisien. C'est la première fois que le commissaire Robert Broussard rencontre Jacques Mesrine et c'est aussi ce jour-là qu'il doit arrêter le truand. Les deux hommes parlementent pendant une heure à la porte de l'appartement. Extraits d'un dialogue savoureux relayé par la presse de l'époque :

Jacques Mesrine : "On dit que t'es un dur de dur."

Robert Broussard : "T'es pas mal non plus dans ton genre…"

Jacques Mesrine : "Tu sais que ça m'emmerde de me rendre ?"

Robert Broussard : "Je m'en doute !"

Finalement, Robert Broussard parvient à convaincre Jacques Mesrine de le laisser entrer et réussira à l'arrêter. Le truand sera tué en plein Paris cinq ans plus tard, sur ordre de Robert Broussard, dont la carrière est devenue indissociable de l'"ennemi public numéro un".

Se faire discret dans ses enquêtes

Aujourd'hui retraitée, Martine Monteil reste célèbre pour avoir démantelé le réseau de Madame Claude, proxénète française dont l'activité fut autorisée pendant les années 1960 et 1970. Mais pas de n'importe quelle manière. À la tête de la Brigade de répression du proxénétisme, elle apprend que Madame Claude a repris ses activités de manière illégale dans les années 1980. "Elle dit à ses collaborateurs : 'On va travailler sur Madame Claude, mais surtout n'en parlez pas à Cancès'", se souvient Claude Cancès, supérieur hiérarchique de Martine Monteil à l'époque.

"Un soir, elle rentre dans mon bureau et me dit : 'Claude, tu ne vas pas être content. On serre Madame Claude demain matin." J'ai explosé. J'ai tout de suite compris qu'ils travaillaient depuis des mois sur Madame Claude sans m'avoir prévenu. Mais le lendemain matin, je lui ai dit : 'Martine, à ta place, j'aurais fait exactement la même chose'." Elle deviendra en 2004 la première femme à prendre la tête de la direction centrale de la police judiciaire, le sommet de sa carrière de fonctionnaire.

*Ces grands flics qui ont fait le 36, de Claude Cancès et Charles Diaz, aux éditions Mareuil, 2018, 400 pages.