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Sophie Brafman , modifié à
Chez les politiques, l'habillement est souvent un message politique en lui-même. Certaines femmes politiques, à l'image de Cécile Duflot, en ont d'ailleurs fait les frais. Mais les mentalités évoluent et l'habit revêt une importance de plus en plus cruciale, comme le relate notre chroniqueuse Sophie Brafman dans Bienfait pour vous.
EDITO

L'habit féminin en politique s'est-il finalement libéré du joug du regard masculin ? Notre chroniqueuse Sophie Brafman fait un état des lieux des progrès en la matière. Depuis l'arrivée de Cécile Duflot en robe à fleurs à l'Assemblée nationale en 2012, un long chemin a été parcouru. Elle nous le raconte dans Bienfait pour vous. 

Alors tout d'abord, je vais faire un petit récapitulatif et je tenais à le préciser. La mode est bien moins futile qu'il n'y paraît puisque le secteur de la mode et du prêt-à-porter représente davantage en chiffre d'affaires global que l'aéronautique et l'automobile. Je pense que c'est important de le dire parce que c'est quand même vachement plus sympa de bosser sur un défilé que sur le Salon de l'auto. Donc, il va falloir à un moment donné qu'on sache que ce n'est pas si futile que ça. D'ailleurs, deux journalistes en 2016 s'étaient intéressés au sujet. Elles avaient sorti un livre intitulé "Le vestiaire des politiques", où, justement, elles expliquaient à quel point on scrutait les hommes et les femmes politiques, et d'autant plus les femmes. Vous allez rapidement le comprendre.

De toute façon, être une femme en politique, c'est loin d'être évident. Certains ont même du mal avec la féminisation des termes. Je voudrais revenir sur ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale jeudi dernier. C'était le 7 octobre. Le député Julien Aubert ne cessait de dire "Madame le ministre" à Barbara Pompili. "Je demande de manière très claire à être appelée Madame la ministre. Si monsieur le député ne respecte pas cela, il sera appelé Monsieur la rapporteure", avait rétorqué l'intéressée.

Etre une femme est loin d'être une mince affaire

Bien sûr, en politique, être une femme est loin d'être une mince affaire. Alors quand je vous disais qu'on regarde les tenues, on se souvient toutes, bien sûr, et tous des Crocs rose fluo de Roselyne Bachelot sur le perron de l'Elysée, particulièrement moches. Mais aujourd'hui, le moche est le nouveau beau. Finalement, Roselyne avait un temps d'avance avant tout le monde. Jack Lang, avec son fameux col Mao, là, on était sur une expression très claire d'une gauche populaire, voire caviar.

Enfin, Marine Le Pen, qui prend à cœur d'adopter les codes vestimentaires des classes populaires pour faire oublier ses origines bourgeoises, avec une forte appétence pour les couleurs du drapeau, du marine, du blanc et même des escarpins rouges. Et chez elle, on est très loin d'une paire de Louboutin. Génial, mais ça veut dire que le message envoyé dans la tenue est avant tout politique et les réactions souvent sexistes.

Je voudrais aussi revenir sur la fameuse robe à fleurs de Cécile Duflot qui a suscité des huées. C'était le 12 juillet 2012 à l'Assemblée nationale. Vous me direz, c'était il y a huit ans. Il est vrai que les choses ont quand même changé depuis.

Même si récemment, le député RN Julien Odoul s'est permis à l'égard de Florence Portelli de lui dire  'je ne suis pas une blonde, moi'. Au RN, on fait des blagues hyper sympathiques et qui ne sont pas du tout ringardes, des blagues de vieux tonton. Je lui conseille de prendre quelques cours chez Jean-Marie Bigard, qui est en pleine forme en ce moment. Donc, du côté des blagues sexistes et ringardes, ça s'est malgré tout amélioré et ça a évolué.

A Bercy, on a le sens du détail

Je vous parlais de l'industrie de la mode. Je me suis donc rendue à Bercy, dans le bureau d'Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de L'économie sociale et solidaire et responsable. A Bercy, on a le sens du détail quand on parle le style. "Bruno Le Maire est un extraordinaire ministre de tutelle, mais c'est aussi un esthète et c'est un homme qui a le sens du détail. Bruno, qui est un grand politique, a toujours le regard sur la couleur d'un vernis à ongles, la couleur d'une paire de pompes, la couleur d'une cravate assortie. C'est un homme très élégant".

Un peu d'élégance avant toute chose, nous disait Olivia : voilà ce qui fait le sel d'une tenue politique. D'ailleurs, Olivia est née dans la mode d'une mère mannequin chez Cardin et d'une grand mère première d'atelier chez Chanel. Elle cite volontiers sa grand-mère en disant que l'élégance est une sorte de politesse. Elle cultive cette élégance dans des tenues accessibles, car l'élégance ne nécessite pas forcément d'argent.

Elle même oserait mettre cette fameuse robe à fleurs portées par Cécile Duflot et pense qu'il n'y aurait plus de sujet aujourd'hui. Bien sûr, comme on l'a vu, il y aura toujours des gens un peu bas de plafond, comme on dit, pour lesquels les choses n'ont toujours pas changé. Mais on serait presque aujourd'hui passé d'un extrême à l'autre.

"Moi qui a été députée pendant plus de trois ans et demi. Jamais je n'ai eu affaire à une réflexion machiste, sexiste ou déplacée à l'endroit d'un pull en V décolleté ou à l'endroit d'une jupe au dessus du genou. Mais on est presque passé à l'excès inverse. C'est-à-dire que quand vous êtes une femme aujourd'hui un peu apprêtée, vous mettez une jolie robe. Les hommes très bien élevés qui ont juste envie de vous dire "ça vous va bien", ne savent même plus comment vous le dire. Donc, on est passé d'un extrême à l'autre et j'espère que dans les années qui viennent, les hommes politiques pourront redire aux femmes ou quand elles sont jolies et inversement."

Olivia Grégoire va même plus loin dans son message en suggérant de rester ce que nous sommes, de ne pas nécessairement nous masculiniser pour affirmer que nous avons un pouvoir. On peut tout à fait exercer de très hautes fonctions en stilettos. "Je pense que la vraie réflexion aujourd'hui, c'est en termes de personnalité comme en termes d'apparence de rester femme. Et j'ai toujours en tête cette injonction nietzschéenne "Deviens ce que tu es". Devenons ce que nous sommes. Nous sommes des femmes, restons qui nous sommes et continuons à devenir ce que nous sommes."

Des femmes ultra sexy en politique, les filles, ça vous dit ?