Danielle Thiéry sur la souffrance policière : "Je la comprends d'autant plus que je l'ai vécue au quotidien"

Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire et autrice du polar "Sex Doll", était invitée lundi sur Europe 1.
Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire et autrice du polar "Sex Doll", était invitée lundi sur Europe 1. © Europe 1
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Clémence Olivier
Au micro d'Anne Roumanoff, lundi, sur Europe 1, Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire et autrice de polars, revient sur la souffrance des policiers et la difficulté que leur hiérarchie peut avoir à la détecter.

"C'est un métier où l'on perd très vite notre innocence". Lundi, au micro d'Anne Roumanoff sur Europe 1, Danielle Thiéry, ancienne commissaire divisionnaire et autrice de Sex Doll, son dernier polar vendu en librairies depuis le 1er mai, a évoqué la souffrance que pouvaient ressentir certains policiers dans l'exercice de leur métier. "Moi j'ai vite déchanté comme officier de police. C'est un peu comme les soldats qui partaient la fleur au fusil à qui l'on disait 'tu vas sauver ton pays'. Quand ils arrivaient sur le terrain, ils déchantaient", explique-t-elle. "J'ai débuté ma carrière à la brigade des mineurs, et je crois que c'est l'endroit où l'on peut voir le pire de la nature humaine".

"Certains passaient à l'acte sans avoir émis aucun signal"

Pour se libérer des horreurs auxquelles elle a été confrontée dans sa carrière comme officier de police puis comme commissaire divisionnaire, l'un des plus hauts grades, elle a décidé d'écrire des polars. Elle a d'ailleurs reçu plusieurs prix récompensant ses œuvres. Pour autant, aujourd'hui, elle reste très sensible à la situation et la détresse des forces de l'ordre. "La souffrance policière, je la comprends d'autant plus que je l'ai vécue au quotidien en tant que collègue de certains qui n'arrivaient pas à s'en sortir et en tant que chef de service", détaille-t-elle.

"Quand on est chef de service, et quoi qu'en disent certains, ce n'est pas une position facile. D'abord il faut détecter une situation de détresse, ce qui n'est pas toujours évident. On est formés à cela, mais ça ne suffit pas toujours. Certains venaient en disant 'patron, ça ne va pas'. Dans ces cas là, je récupérais leur arme et évidemment on s'en occupait. Mais beaucoup ne disaient rien et passaient à l'acte sans avoir émis aucun signal".

"Comment le savoir ? Comment le deviner ?"

En 38 ans de maison, Danielle Thiéry explique ainsi avoir connu des cas de suicides dans différents services. "Un jour, un policier est allé dans un hôtel, il a pris une chambre et il s'est tiré une balle. Quelques jours avant sur son agenda, il avait dessiné une cartouche sur la date en question", se souvient Danielle Thiéry. "Mais comment le savoir ? Comment le deviner? ", se désole-t-elle. "Les gens qui appellent au secours ne sont pas forcément ceux qui passent à l'acte".

Depuis le début de l'année 2019, 28 policiers se sont suicidés selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Ils étaient 35 à avoir mis fin à leur jour en 2018.