Ce week-end, la question d'un pass sanitaire en entreprise a été évoquée par le ministre de la santé Olivier Véran. Une réunion entre la ministre du Travail Elizabeth Borne et les partenaires sociaux a eu lieu ce lundi. Syndicats et professionnels redoutent une mesure compliquée à mettre en place et qui serait punitive.
Le pass sanitaire sera-t-il bientôt obligatoire dans les entreprises pour contrer le Covid-19 ? C'est la question épineuse évoquée ce week-end par le ministre de la Santé, Olivier Véran . La question a été abordée ce lundi lors d'une réunion entre la ministre du Travail, Élisabeth Borne et les partenaires sociaux. Lionel Nataf, expert en protection sociale des salariés, était l'invité d'Europe Midi. Il a confirmé le casse-tête que représenterait l'instauration du pass sanitaire en entreprise.
"La mise en oeuvre pratique pour les chefs d'entreprise ou les directions va être extrêmement compliquée parce qu'en fonction de la situation de telle entreprise ou des salariés de l'entreprise, cols blancs ou cols bleus, la capacité à être à la merci d'une sanction pour non-vaccination pose un problème", a affirmé l'invité d'Europe 1. Par ailleurs, "le chef d'entreprise n'a pas les moyens de contraindre un salarié, de lui suspendre son contrat de travail et de lui suspendre sa rémunération", a-t-il ajouté.
Il y a en outre une différence d'applicabilité du pass sanitaire selon la profession souligne l'expert. "Il y a des activités qui sont clairement télétravaillables. Cela simplifie beaucoup de choses mais certaines (activités) ne sont pas télétravaillables", a-t-il expliqué.
"Rien n'est acté"
L'hypothèse d'un pass sanitaire généralisé en entreprise a été abordée ce lundi avec les partenaires sociaux a indiqué la ministre du Travail, Élisabeth Borne. "Ce qui ressort des échanges c'est que les organisations syndicales n'y sont pas favorables, et que les organisations patronales sont réservées et s'interrogent sur les modalités pratiques de mise en œuvre", a déclaré la ministre à l'issue d'une réunion en visioconférence avec les organisations patronales et syndicales.
"Rien n'est acté à ce stade", a-t-elle souligné, en précisant que la mesure "supposerait une disposition législative" et que la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, doit également mener des consultations avec les syndicats de fonctionnaires, et le premier ministre avec les groupes parlementaires. L'objectif de la réunion est "de regarder tous les leviers qu'on peut mobiliser face au variant Omicron", qui est "beaucoup plus contagieux", a souligné Mme Borne.
Les partenaires sociaux sceptiques
Les partenaires sociaux, eux, sont plus sceptiques concernant l'application d'une telle mesure. Pour l'Union des entreprises de proximité (U2P), "il faut mettre la priorité sur la continuité de l'activité. Donc si ça doit passer par un pass, pourquoi pas. Mais il ne faut pas que ce soit punitif", souligne l'organisation patronale en allusion à la pénalité de 45.000 euros pour non vérification de pass actuellement en vigueur.
"Est-ce aux chefs d'entreprise d'exercer des pouvoirs de police ?", s'interrogeait dimanche sur Franceinfo le président délégué du Medef, Patrick Martin, dont l'organisation réserve sa position et attend l'issue des discussions avec le gouvernement. Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH, a évoqué lundi sur Sud Radio "une usine à gaz" susceptible de générer "de la tension" au sein des entreprises.
Les syndicats hostiles à la mesure
Les syndicats, eux, n'ont pas caché leur hostilité à l'idée d'un pass sanitaire en entreprise. Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a fustigé ce lundi une mesure "absurde et totalement inefficace". "Nous y sommes opposés parce que ça correspond à une obligation vaccinale. Nous préférons renforcer les gestes barrière, inciter plus à la vaccination plutôt que l'instauration de ce pass", a-t-il insisté sur Franceinfo. "Mieux vaut convaincre et inciter que contraindre", a également déclaré à l'AFP Michel Beaugas de Force ouvrière (FO), tandis que Cyril Chabanier (CFTC) s'est dit "assez réservé".
Dans le monde politique, le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot s'est dit opposé à un tel élargissement, sur BFMTV et RMC il a déclaré: "J'entends tous les responsables des entreprises dire 'ça va être la galère de mettre ça en place', donc je n'y suis pas favorable."