Conflit d'intérêt : deux syndicats de magistrats portent plainte contre Dupond-Moretti

La plainte à l'encontre d'Eric Dupond-Moretti a été déposée devant la Cour de justice de la République.
La plainte à l'encontre d'Eric Dupond-Moretti a été déposée devant la Cour de justice de la République. © BERTRAND GUAY / AFP
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Chloé Triomphe, édité par Jonathan Grelier avec AFP
Deux des principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature, ont annoncé jeudi avoir déposé plainte contre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République pour "prise illégale d'intérêt". Une situation quasi-inédite qu'Europe 1 vous explique.
DÉCRYPTAGE

C'est une situation quasi-inédite à laquelle se trouve confronté le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. Jeudi, les deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) ont annoncé avoir déposé plainte devant la Cour de justice de la République (CJR) à son encontre pour une "prise illégale d'intérêt" liée à ses anciennes fonctions d'avocat. La CJR est en effet la seule instance habilitée à juger un ministre en exercice.

"C'est une décision grave et exceptionnelle"

Pour trouver un précédent à cette affaire, il faut remonter au face-à-face frontal entre les syndicats de magistrats et leur ministre Alain Peyrefitte... en 1978 !

Les deux syndicats estiment que les relations n'ont jamais été aussi dégradées avec leur ministre depuis des dizaines d'années. "C'est une décision grave et exceptionnelle. Elle répond à la gravité des faits", ont estimé ces organisations en conflit avec le garde des Sceaux depuis sa nomination en juillet au cours d'une conférence de presse.

L'USM et le SM expliquent qu'ils en sont arrivés là parce qu'aucune autre démarche n'a abouti pour régler ce qu'ils estiment être un conflit d'intérêt majeur dans deux dossiers sensibles pour l'ancien avocat et ministre. Les deux syndicats lui reprochent notamment d'avoir lancé des poursuites administratives contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) qui avaient participé à une enquête préliminaire en marge de l'affaire des "écoutes" impliquant Nicolas Sarkozy.

Lors de ces investigations, des facturations téléphoniques détaillées de plusieurs avocats, dont celle de l'actuel ministre, avaient été examinées.

"En tant qu'avocat, Éric Dupond-Moretti a voulu faire punir des magistrats"

Ils reprochent également au ministre d'avoir ouvert une autre enquête administrative à l'encontre du juge Édouard Levrault qui avait dénoncé, après la fin de ses fonctions comme juge d'instruction à Monaco, avoir subi des pressions.

Avant de devenir ministre, Éric Dupond-Moretti avait été l'avocat d'un des policiers mis en examen par ce magistrat et avait critiqué les méthodes du juge. "En tant qu'avocat, Éric Dupond-Moretti a voulu faire punir des magistrats s'étant occupés de dossiers concernant un de ses clients ou le concernant lui-même et ses proches. En tant que ministre, il a exercé ses prérogatives pour mettre en mouvement ou poursuivre ces actions punitives", ont affirmé l'USM et le SM, tout en récusant tout esprit "corporatiste".

Contacté par l'AFP, l'entourage du garde des Sceaux a dénoncé une "obsession" et "un acharnement" des syndicats contre le ministre. Depuis le 23 octobre, pour prévenir d'éventuels conflits d'intérêt, c'est le Premier ministre Jean Castex qui a la charge des dossiers qui ont un lien avec les activités d'avocat d'Éric Dupond-Moretti.