Colonies de vacances : ces jeunes ont subi des violences sexuelles

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La parole s'est libérée sur la toile. (Image d'illustration) © Jeanne Fourneau / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Europe 1 avec AFP , modifié à
Elles ont 14 ans, 17 ans, ou plus et ont un point commun : elles ont été victimes de violences sexuelles lors d'une colonie de vacances. Un drame encore très tabou en France, mais révélé au grand jour grâce une influenceuse, Anissa, qui a décidé de partager les centaines de témoignages envoyés par les internautes, dont certains sont mineurs.

"J'étais adolescente, il a abusé de moi" : sur les réseaux sociaux, des jeunes dénoncent des violences sexuelles commises par des animateurs encadrant des mineurs en vacances, un mouvement naissant, à l'initiative d'une influenceuse. Chaque été, Ana* fréquentait le centre de loisirs de sa ville, en Normandie. Un nouvel animateur de 24 ans s'est montré très amical envers elle alors qu'elle avait 13 ans.

Mais "lors d'une sortie piscine, où j'étais la seule fille, il a abusé de moi dans les vestiaires", décrit Ana. La jeune fille de 17 ans parle de ce viol pour la première fois, encouragée par des témoignages similaires publiés sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, très utilisé par les jeunes.

Ce mouvement a été initié début mars par Anissa, 21 ans, influenceuse et animatrice en colonies de vacances, qui a reçu "des centaines de témoignages" après avoir réalisé une vidéo sur le sujet sur TikTok, visionnée plus d'1,5 million de fois. La militante féministe veut montrer le "problème" dans le secteur de l'animation afin qu'il "y ait une évolution". "J'ai entendu des animateurs sexualiser des adolescentes de 13 ans, flirter, leur demander leur numéro", explique Anissa.

Comme d'autres encadrants, elle estime que le sujet des violences sexuelles est insuffisamment abordé lors de la formation au brevet d'animateur (Bafa) qui permet d'encadrer des mineurs de façon occasionnelle en centres de loisirs ou colonies de vacances.

Le sujet est systématique abordé

"On ne nous apprend pas à repérer des signes de violences", relève Sonia*, 24 ans, qui travaille dans l'animation et a déjà observé des comportements inappropriés chez certains collègues. "Le Bafa c'est très intéressant, mais beaucoup trop court".

Pour obtenir ce brevet, accessible dès 17 ans, il faut suivre une formation générale théorique de huit jours proposée par différents organismes, réaliser un stage pratique de 14 jours et participer à une session d'approfondissement de six jours. "On réalise un travail spécifique sur la relation affective et d'autorité" vis-à-vis des mineurs pour que le futur animateur parvienne à bien se positionner, explique Laurent Bernardi, directeur national aux Ceméa, organismes de formation Bafa.

Le sujet des violences sexuelles est "systématiquement abordé", selon lui. Cela peut toutefois être "assez rapide" de dire que toute relation sexuelle entre un mineur et un majeur ayant autorité sur lui est interdite par la loi, ajoute-t-il.

Certains critiquent les âges proches des mineurs et des encadrants, une configuration pouvant encourager à flirter. Pour Anne-Sophie Chéron, psychologue clinicienne, il faut surtout "bien expliquer aux jeunes moniteurs qu'ils peuvent être l'objet d'intérêt" et qu'ils "ne doivent pas transgresser les limites".

"L'enfant ou l'adolescent cherche de la tendresse, il peut se retrouver embarqué malgré lui dans quelque chose qui va au-delà si l'animateur n'est pas bien clair sur les limites", explique-t-elle.

La libération de la parole

Estelle* a été "manipulée" à 14 ans par un animateur de 27 ans dans le camping ardéchois où elle passait ses vacances. "Il me disait des mots doux, me donnait de l'affection, j'y croyais, je ne me rendais pas compte que c'était grave", relate la jeune femme qui a subi un attouchement.

Agée de 23 ans, elle témoigne à présent en espérant que des "jeunes puissent voir ce genre de message" et osent "prendre la parole" sur le sujet. Des témoignages anonymes, publiés sur les comptes #MeTooAnimation, dénoncent également des abus sexuels commis sur des enfants. "Des agressions ont lieu partout mais en colonie de vacances, certains enfants sont en situation de fragilité car ils sont loin de leurs parents", décrit Violaine Guérin, fondatrice de l'association Stop aux violences sexuelles.

En janvier, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a indiqué que 10% des 3.800 premiers témoignages qu'elle avait reçus concernaient des victimes de violences sexuelles au sein d'institutions (école, clubs de sport etc). Sur cet échantillon, 20% des témoignages concernaient une colonie de vacances.

La Ciivise, qui appelle les personnes victimes de violences sexuelles au sein d'institutions à témoigner au 0.805.802.804, va publier jeudi des recommandations pour renforcer la "culture de la protection".

* Les prénoms ont été changés