Avec plus de pouvoirs, la police municipale pourrait "déserter le terrain", avertit un sociologue

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"Si on transforme la police municipale en police nationale bis, on va déserter le terrain et ne pas répondre à l'attente majoritaire de la population", avertit Laurent Mucchielli. © Fred TANNEAU / AFP
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Pauline Rouquette , modifié à
Invité d'Europe 1 dimanche, le sociologue Laurent Mucchielli a réagi à l'annonce du premier ministre d'élargir les pouvoirs attribués aux policiers municipaux. Pour le directeur de recherche au CNRS, l'accroissement des pouvoirs de la police municipale peut se solder par l'apparition d'une "police nationale bis", au détriment d'une police de proximité.
INTERVIEW

Au lendemain de l'annonce, par le Premier ministre, Jean Castex, d'une expérimentation à Nice visant à élargir les pouvoirs de la police municipale, 18 maires de droite demandent dans le JDD, plus de pouvoir pour leur police. Invité d'Europe 1, dimanche, Laurent Mucchielli, sociologue et directeur de recherche au CNRS, cette mesure pourrait pousser vers "un éloignement de ce qui est l'attente majoritaire de la population", à savoir, une véritable police de proximité.

Plus pouvoirs, au détriment d'une police de proximité ?

Selon Laurent Mucchielli, la question de l'accroissement des pouvoirs de la police municipale mène à un débat entre deux tendances. La première est celle portée jusqu'ici par le maire de Nice, Christian Estrosi, "celle qui veut transformer la police municipale en police nationale bis, en réclamant les mêmes équipements, les mêmes pouvoirs, les mêmes horaires", explique le sociologue. Face à cette tendance s'en dessine une autre : celle "qui défend une police de proximité, en disant que la police nationale n'a pas le temps", poursuit le chercheur qui précise que ses études ont montré que la deuxième tendance est majoritaire. Aussi, "si on transforme la police municipale en police nationale bis, on va déserter le terrain et ne pas répondre à l'attente majoritaire de la population", dit-il.

"C'est assez catastrophique"

Bien que majoritaire, la tendance en faveur d'une police de proximité s'efface au profit de la première, qui se dessine de manière "très concrète", explique Laurent Mucchielli. "Quand vous vous mettez à faire travailler les gens la nuit à effectif constant, vous en avez moins le jour", développe-t-il. "Quand vous leur demandez des interventions sur des problèmes qui sont aussi ceux de la nationale, ça arrange de pouvoir décharger une partie des interventions", poursuit le sociologue, évoquant des policiers municipaux qui se trouvent de plus en plus souvent dans leur voiture à "chercher les interventions" tout en étant commandés par des chefs qui, eux-mêmes viennent de la police nationale et ne savent pas travailler autrement.

"De mon point de vue, c'est assez catastrophique", abonde Laurent Mucchielli, prenant l'exemple des incivilités qui émaillent la vie quotidienne. "De plus en plus, les policiers municipaux ont tendance à dire qu'ils ont des choses plus importantes à faire, que la vraie police, c'est autre chose", déplore-t-il. Au final, achève le sociologue, "tout le monde finit par se détourner de ces petites choses du quotidien, et c'est tout à fait dramatique".