Atteinte de myopathie, Saïda déplore le regard des autres sur le handicap : "Ça fait mal"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Atteinte de myopathie, Saïda est contrainte de se déplacer en fauteuil roulant depuis vingt ans. Elle évoque la discrimination et les réflexions déplacées qu’elle subit au quotidien. Au micro d’Olivier Delacroix, sur "La Libre antenne" d’Europe 1, Saïda déplore le regard des autres sur le handicap.
TÉMOIGNAGE

Saïda souffre de myopathie et est contrainte de se déplacer en fauteuil roulant depuis une vingtaine d’années. Elle déplore la discrimination qu’elle subit au quotidien, notamment les réflexions déplacées et le regard des autres sur le handicap. Elle évoque notamment l’étonnement des gens quand elle leur dit qu’elle est mariée, a un enfant et a travaillé pendant vingt ans. Au micro de "La Libre antenne", sur Europe 1, Saïda revient sur son parcours et son handicap. Et confie souffrir de ne pas avoir de vraies amies. 

" J’ai 64 ans. Je suis handicapée, en fauteuil. Je souffre de myopathie. Depuis que le Téléthon existe, on parle un peu plus de handicap. Mais je reste convaincue qu’en France, on est encore laissés pour compte. On n’est pas bien compris. Quand je me promène à Paris avec ma Rolls, je n'aime pas dire fauteuil, je ne croise pas beaucoup de fauteuils roulants. Je vois des personnes âgées, mais des personnes avec un handicap comme le mien, je n’en vois pas autant que j'aimerais en voir. Alors que je sais qu'on est nombreux. Je pense que c'est parce qu'on a peur du regard des autres.

" Personne ne m'a jamais dit "Tu es mon amie" "

Ça va faire bientôt 20 ans que je suis en fauteuil. J'ai l'avantage de pouvoir marcher à la maison avec mon déambulateur. Je fais beaucoup d'activités, j'écris, j'aime chanter et cuisiner. J'arrive à m'occuper toute seule. Il y a quelques années, j'ai perdu mes vraies amies. Elles sont décédées. Je les connaissais depuis 30 ou 40 ans. Je ne veux plus m'attacher parce que ça m'a fait trop mal au cœur. Donc, je n’ai que des relations amicales. J'ai de très bons voisins et des personnes qui m'apprécient. Mais je n'ai plus envie de souffrir. Pourtant, ça me manque et parfois la nuit, j'en pleure.  

Ça fait 40 ans que j'habite dans le 15ème et personne ne m'a jamais dit "Tu es mon amie". On me dit souvent : "Quand je te parle, je ne vois pas ton handicap, j'oublie le fauteuil". Mais, on ne me propose pas d’aller au restaurant. En revanche, si moi propose, la personne viendra, mais elle ne me le proposera pas d’elle-même. C’est toujours moi qui fais le premier pas. Et ça, ça me fait beaucoup de mal. 

" Il y a des réflexions qui sont blessantes, méchantes et gratuites "

Quand on est handicapé, on a ce regard des autres qui fait mal. On a aussi beaucoup de réflexions méchantes. Par exemple, il y a 2 ou 3 ans, je me promenais. Un homme, qui avait la soixantaine m’a sorti la réflexion qui tue : "Vous avez quand même de la chance parce que nous, on est obligés de marcher." J'ai tracé ma route. Je me suis tellement disputée avec des gens qui nous prenaient nos places, que ça me gâchait mes sorties. Donc, depuis quelques années, quand je sors, les réflexions rentrent d'un côté et sortent de l'autre. 

Il y a des réflexions à mourir de rire et d'autres qui sont blessantes, méchantes et gratuites. Il suffit que je dise que j’ai une aide-ménagère parce que je suis handicapée ; on me répond que j’ai de la chance. On me fait des réflexions sur le fait que je sois mariée et que j’aie un enfant. Ça fait mal. Je suis peut-être en fauteuil, mais ma tête fonctionne. Pourquoi un handicapé n’aurait pas le droit de se marier, d'avoir des enfants et d'avoir un travail ? J'ai travaillé pendant presque 20 ans, parce que je le voulais. Je ne voulais pas dépendre de l’AAH (Allocation aux adultes handicapés). 

 

Quand je suis arrivée à Paris et que je cherchais du travail avec mon diplôme de secrétariat, j'étais débutante, handicapée et Algérienne. J'avais trois handicaps. En 15 jours, j'ai trouvé un travail et j'ai travaillé pendant neuf ans dans cette association. Entretemps, j'ai eu mon fils. Puis, j'ai retravaillé pendant neuf ans dans le milieu médical, parce que mon rêve, c’était d'être infirmière, mais mon handicap ne me l'a pas permis. J'adore écouter les gens. 

J’ai tellement souffert dans mon enfance. On mangeait à notre faim, mais on vivait dans un deux pièces à 11, dans les années 1960. Mon père est arrivé en France en 1957. On a reçu une très bonne éducation. Quand j'ai débarqué à Paris, je n'avais pas un centime. Je ne faisais qu'un repas par jour. Il ne faut jamais oublier d'où l’on vient, parce que quand on réussit, on a plaisir à regarder en arrière et à se dire qu’on y est arrivé. Je suis contente de mon parcours, parce que j'ai vécu des épreuves très difficiles. "