Affaire Karachi : fin des investigations du volet visant Balladur et Léotard

Édouard Ballard et François Léotard Karachi MARC LE CHELARD, JEAN-PIERRE MULLER / AFP
Édouard Ballard et François Léotard pourraient être renvoyés en procès dans l'affaire Karachi. © MARC LE CHELARD, JEAN-PIERRE MULLER / AFP
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avec AFP , modifié à
Le Cour de justice de la République a transmis le dossier au procureur général de la Cour de cassation, qui doit prendre ses réquisitions d'ici trois mois sur un éventuel procès.

La Cour de justice de la République (CJR) a terminé ses investigations concernant l'ancien Premier ministre Édouard Balladur sur un possible financement occulte de sa campagne présidentielle de 1995, via des rétrocommissions révélées dans l'enquête sur l'attentat de Karachi de 2002. Après cinq ans d'enquête, la commission d'instruction de la Cour a transmis son dossier le 7 mai au parquet général de la Cour de cassation pour qu'il prenne ses réquisitions d'ici trois mois sur un éventuel procès devant la CJR pour Édouard Balladur et son ex-ministre de la Défense François Léotard. Dans le volet non-ministériel, six autres protagonistes doivent être jugés en octobre à Paris.

La CJR est la seule instance habilitée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l'exercice de leurs fonctions, mais son existence-même est en sursis. Les deux anciens commis de l'Etat ont été mis en examen en 2017 pour "complicité d'abus de bien sociaux". "Je n'étais informé de rien sur l'existence de commissions, de rétro-commissions, (...) de réseaux officieux et d'autres officiels", s'était défendu Édouard Balladur, entendu à cinq reprises plus de 20 ans après les faits. Il est également soupçonné de "recel".

L'hypothèse d'un financement illégal et de rétrocommissions

L'affaire de Karachi doit son nom à l'attentat du 8 mai 2002 qui avait fait quinze morts, dont onze employés français de la Direction des chantiers navals (ex-DCN), et blessé douze autres dans la ville pakistanaise. Tous travaillaient à la construction d'un des trois sous-marins Agosta vendus à ce pays, sous le gouvernement Balladur (1993-1995). L'enquête antiterroriste, qui privilégiait initialement la piste d'Al-Qaïda, explore depuis 2009 la thèse - non confirmée - de représailles à la décision de Jacques Chirac, tombeur d'Édouard Balladur à la présidentielle, d'arrêter le versement de commissions dans ces contrats après son élection.

En creusant cette hypothèse, les magistrats avaient acquis la conviction que les comptes de campagne d'Édouard Balladur, pourtant validés, avaient été en partie financés par des rétrocommissions - illégales -, à hauteur de 13 millions de francs (près de 2 millions d'euros), en marge de ces contrats de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie Saoudite (Sawari II).

Un procès en octobre pour six protagonistes 

Pour examiner ce volet financier, une deuxième procédure avait été confiée en 2011 à des magistrats financiers, qui a abouti au renvoi devant le tribunal correctionnel de six protagonistes, dont Thierry Gaubert (ex-membre du cabinet de Nicolas Sarkozy alors ministre du Budget), Nicolas Bazire, directeur de la campagne balladurienne, et l'intermédiaire Ziad Takieddine. Leur procès doit se tenir en octobre à Paris, huit ans après l'ouverture de cette enquête. Les cas d'Edouard Balladur, 90 ans aujourd'hui, et de François Léotard, 77 ans, avaient été disjoints en 2014.