Vergès, avocat sulfureux jusqu'à sa mort

Jacques Vergès en 2004
Jacques Vergès en 2004 © REUTERS
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avec AFP , modifié à
PORTRAIT - Mort jeudi à l'âge de 88 ans, il avait été l'avocat du nazi Klaus Barbie ou d'Omar Raddad.

De son propre aveux, il a été l'avocat des "crapules". Me Jacques Vergès, mort jeudi à l'âge de 88 ans a été un des avocats les plus controversés et redoutés du barreau de Paris, à la pointe des luttes anti-colonialistes. Prenant pour cibles l’État, la société ou la Justice, pour défendre une cause autant qu'un client, cet avocat médiatique et narcissique, fin lettré, petit et rond, aimait provoquer et déstabiliser.

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De la Thaïlande à Paris. Jacques Vergès est né le 5 mars 1925,  mais un an plus tôt selon un biographe, dans l'actuelle Thaïlande, à Ubon Ratchathani).  Son père est un Français de la Réunion. Sa mère, vietnamienne, est morte lorsqu’il avait trois ans. La famille s'installe à la Réunion, où le père devient député communiste et où son frère jumeau Paul créera le PC réunionnais. Il s'engage à 17 ans dans les Forces Françaises Libres, à Londres. Démobilisé, il s'inscrit au PCF, devient président de l'association des étudiants coloniaux et rencontre Pol Pot, le futur Khmer rouge. ll séjourne ensuite à Prague de 1951 à 1954, avant de rentrer à Paris fin 1955 et d'y suivre de brillantes études d'avocat.

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Engagé pleinement dans la guerre d'Algérie, il devient l'avocat du FLN et quitte le PCF en 1957, le jugeant "trop tiède" sur ce dossier. En 1963, il épouse  en secondes noces la militante du FLN Djamila Bouhired, après l'avoir sauvée de la peine de mort. Il embrasse ensuite le maoïsme en créant le périodique Révolution et soutient le FPLP palestinien. De 1970 à 1978, Jacques Vergès disparaît. Au retour, il laisse planer le mystère sur cette période, se bornant à dire qu'il a passé des vacances "très à l'est de la France", et reprend ses activités d'avocat.

Une liste de clients impressionnante.  Parmi ses clients, Jacques Vergès  a notamment défendu le nazi Klaus Barbie, le "révolutionnaire" Carlos ou le khmer rouge Khieu Samphan mais aussi les membres des mouvements d'extrême-gauche européens (Fraction armée rouge, Action directe), les activistes libanais Georges Ibrahim Abdallah et Anis Naccache, le dictateur serbe Slobodan Milosevic.

>> Sa plaidoirie lors du procès Barbie, en 1987:

Il était aussi disposé à défendre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. On peut encore citer la famille Boulin, la fille de Marlon Brando, le capitaine Barril, le jardinier marocain Omar Raddad, le tueur en série Charles Sobrhraj, des dirigeants africains.

"Défendre, ce n'est pas excuser". "Tout le monde a le droit d'être défendu", confiait-il en janvier 2011 au micro d'Europe 1. "Défendre ce n'est pas excuser. L'avocat ne juge pas, il ne condamne pas, il n'acquitte pas : il essaie de comprendre", expliquait l'avocat alors qu'il montait au théatre un playdoyer intitulé "Serial plaideur". "Quand l'avocat essaie de comprendre le chemin qui mène quelqu'un qui nous ressemble à commettre un crime que nous sommes les premiers à réprouver, nous faisons un travail social. Nous aidons la prévention. La société peut à ce moment là mettre l'écriteau "sens interdit."

>> Jacques Vergès : "j'ai fait du social en défendant des crapules" (2011) :

 

Jacques Vergès a également  publié une vingtaine de livres, dont "Dictionnaire amoureux de la justice", "Le salaud lumineux", "Justice pour le peuple serbe", "Beauté du crime", "La démocratie à visage obscène", "Sarkozy sous BHL" etc. En 2007, Barbet Schroeder lui a consacré un film intitulé "L'avocat de la terreur".