Meurtre de Valentin : "sa Majesté" est-elle complice ?

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La défense a fait vaciller les charges qui pèsent contre Noëlla Hego, jugée comme "complice" de Moitoiret.

L'info. Sur quoi repose la complicité d'une femme, absente des lieux d'un crime ? En écoutant un homme parler clonage et réincarnation, juge-t-on un fou ? Ces deux questions, au coeur du procès en appel de Stéphane Moitoiret et Noëlla Hego pour le meurtre de Valentin en 2008, ont été condensées jeudi matin, au troisième jour d'audience. Et les avocats de "sa Majesté" Hego ont réussi à faire vaciller l'accusation contre leur cliente.

Rappel des faits. Le 29 juillet 2008, Stéphane Moitoiret est contrôlé par les gendarmes. Une simple vérification d'identité mais qui le met sur les nerfs. Certains témoins assurent alors l'avoir vu "très énervé". Il rentre ensuite à la salle paroissiale où Noëlla Hego et lui sont hébergés depuis quelques jours. Le couple se dispute. Pour retrouver les bonnes grâces de "sa Majesté",le "Secrétaire" Moitoiret part donc faire un "retour en arrière" - ce qui dans leur langage ésotérique signifie "tuer un enfant". En rentrant quelques heures plus tard, Moitoiret, qui a les mains pleines de sang, avoue le crime à Noëlla Hego - mais nie en bloc depuis.

Le "retour en arrière" dans le viseur. "Je ne veux pas me retrouver complice d'assassinat alors que je n'ai pas donné l'ordre de tuer un enfant ou un adulte à M. Moitoiret", s'est défendue jeudi Noëlla Hego. "C'est important, les mots. C'est sur sa parole qu'on l'accuse", a renchéri son avocate, Me Roksana Naserzadeh. Les charges de "complicité d'assassinat" qui pèsent sur sa cliente reposent en effet sur deux éléments : le concept de "retour en arrière", que Noëlla Hego aurait inventé, et son ascendant présumé sur Moitoiret, considéré comme "clairement établi" dans le procès-verbal de synthèse de la gendarmerie.

Un ascendant pas si simple à établir. Mais Me Naserzadeh, qui a épluché les quelque 200 dépositions recueillies par les gendarmes, n'est pas de cet avis. Elle a en effet compté "50" témoignages disant que Moitoiret dominait sa compagne, "11" affirmant l'inverse, le reste n'ayant pas d'avis sur le sujet. Et pour étayer sa démonstration, l'avocate s'appuie sur l'attitude des accusés le jour du meurtre : "Noëlla Hégo était parvenue à le calmer [après son contrôle d'identité] ? Si elle a l'ascendant, Moitoiret c'est le petit toutou. Il se calme tout de suite ?", s'enquiert l'avocate auprès du directeur d'enquête. "Il semblerait qu'elle n'y soit pas parvenue. Mais l'ascendant, c'est... dans la vie des gens...", bafouille en réponse le capitaine de gendarmerie Georges Martin. Dans la procédure, les gendarmes mentionnent pourtant l'attitude de "pot de fleurs" de l'accusée ce jour-là.

"Je ne suis pas là pour dire s'ils sont fous". La défense cherche ensuite à faire préciser au gendarme ce qu'il entend par "retour en arrière". Cette notion, connue des seuls accusés et qu'ils se sont efforcés d'expliquer aux enquêteurs, est aux yeux de la gendarmerie le "mobile" du crime. "On n'est pas dans un bouquin de science-fiction, on est dans une enquête criminelle !", raille Me Franck Berton, l'un des avocats de Moitoiret, plongeant le responsable de l'enquête dans une gêne marquée par de longs silences. "C'est vrai que ce n'est pas une définition juridique", articule l'officier. "On a rapporté certains faits. Je ne suis pas là pour dire s'ils sont fous ou pas".

"Ça reste bien mystérieux". Le président de la cour, à son tour, s'interroge à voix haute : "ça reste bien mystérieux, quand même, cette notion. On ne voit pas pourquoi il faut absolument un mort. Pourquoi il faut que ce soit un enfant, on voit encore moins. Comment on peut faire le lien ?", demande-t-il. L'avocat général, Jean-Paul Gandolière, procureur de Bourg-en-Bresse à l'époque des faits, vole alors au secours de l'enquête. "Au delà de cette affaire particulière, les mobiles sont-ils toujours identifiables ?", interroge-t-il. "Et le meurtre immotivé d'un schizophrène, vous savez ce que c'est ? ça, ça vous ennuie !", l'interpelle Hubert Delarue, l'autre avocat de Moitoiret.

Confronté, quant à lui, à des analyses ADN accablantes - son sang a été retrouvé sur le corps de Valentin -  Moitoiret s'est muré dans le déni. Puis s'est remis à parler de "vies antérieures", de "gilet magique" et de "clonage de tentation divine", fâché qu'on l'interrompe dans son délire.