Marina : retour sur un procès insoutenable

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Stéphanie de Silguy , modifié à
ZOOM - Jugés pour maltraitance et tortures, les parents de la fillette risquent 30 ans de réclusion.

Le procès de Marina, morte à l'âge de 8 ans, à l'été de 2009, s'est ouvert le 11 juin dernier. Ses parents sont jugés pour actes de tortures et de barbaries ayant entraîné la mort.

Europe1.fr revient sur les temps forts de ce procès.

Un couple défaillant. Eric et Virginie Sabtatier, les parents de Marina, aujourd'hui en instance de divorce, se renvoient la balle depuis le début du procès. Les auditions ont vite révélé une relation fondée sur le mensonge qui a très vite dégénérée. Tout commence lors de sa rencontre avec sa future femme, Virginie Darras. Eric lui ment en lui assurant qu’il achète une maison mais également qu’il a un emploi. Un mois après leur mariage en octobre 2000, la vérité finit par éclater. Virginie s’aperçoit que tout était une pure invention et que le futur père de Marina a fait croire au notaire qu’il a le financement pour la maison. Mais il n’en est rien.  Marina a semble-t-il subi les conséquences de ce mensonge.

La mère de Marina se présente elle comme une victime repentie. Elle affirme à l'enquêtrice judiciaire, "qu'elle a été violée à l'âge de 15 ans" par un proche de la famille et lui a ensuite parlé de violences conjugales et d'insultes dont elle aurait été victime de la part de son mari.

La famille, témoin impuissante. A la barre, la grand-mère de Marine raconte les mois de bonheur que la fillette a vécu chez elle en 2004 et 2005. A sa grand-mère, elle avait confié qu'elle ne voulait pas revenir chez ses parents, "Maman, elle est méchante, vilaine", et à sa tante, avant de repartir: "ils me tapent". Elle prévient la grand-mère qui appelle le service des enfants maltraités. Mais elle se fait rabrouer: on lui répond qu'elle ment pour tenter de récupérer sa petite-fille, témoigne-t-elle.

Autre témoignage poignant, celui du petit-frère de la victime. "lls battaient souvent Marina", confie du haut de ses treize ans, le frère aîné de Marina, rebaptisé Aurélien pour préserver son anonymat. "C'est toujours elle qui était battue mais elle avait vraiment rien fait de mal", ajoute-t-il. A la fin de son témoignage, Aurélien s'est adressé, indirectement, à ses parents. Il a confié ne pas pouvoir leur pardonner. "Il y aura toujours l'obstacle de Marina entre moi et eux".

Marina couvre ses parents. Autre moment d'émotion de ce procès. Le témoignage vidéo bouleversant de Marina.  Un an avant sa disparition,  la petite fille avait été auditionnée par les services sociaux. Sur la vidéo, Marina a sept ans, elle apparaît heureuse à l'écran, rit même à gorge déployée avec l'enquêtrice qui l'interroge. C'est ce rire un peu métallique qui a résonné dans la salle d'audience jeudi. La fillette paraît éveillée, souriante. Et surtout, Marina a réponse à tout. Elle a quasiment une explication à chacune des lésions relevées par le médecin légiste. L'affaire sera donc classée sans suite.

Les services sociaux pointés du doigt. Depuis 2008, la famille était suivie par plusieurs personnes. L'enjeu du procès est notamment de déterminer leur part de responsabilité. Si dès 2008 des premiers signalements pour maltraitante leurs ont été notifiés, l'affaire sera classée sans suite. En mai 2009, l'alerte du directeur d'école de Marina pour "absentéisme scolaire répété, petites blessures repérées et comportement boulimique de l'enfant" est bien reçue par les services du conseil général. Mais, les parents déménagent.

Dès le 19 mai, les services sociaux trouvent la nouvelle adresse de la famille de Marina. "Le 25 mai je confirme la demande d'évaluation de la famille", explique la responsable chargée de la "prévention et la protection de l'enfance. Le 2 juin, nouvelle alerte. Cette fois-ci, ce sont le médecin pédiatre et l'assistante sociale de l'hôpital de la ville qui signalent des suspicions de maltraitance ou de négligence sur Marina.

Plus grave, le 17 juin, soit quelques semaines avant le décès de la fillette, la responsable des services sociaux, entendue lundi par la cour d'assises, et une puéricultrice se rendent au domicile des Sabatier pour un contrôle. La seule possibilité de mettre en place une "mesure de protection sans délai" d'un enfant était, selon elle, de constater un "danger immédiat et avéré". Mais ce jour-là, rien ne l'indiquait, selon elle. Le 25 juin, la puéricultrice retourne sur place et parle néanmoins de "vigilance". Un nouveau rendez-vous est prévu avec les parents, selon une note reçue par la responsable en août 2009. Entre-temps, un rendez-vous prévu le 1er juillet a été reporté par le père.

Le 19 août, nouvelle visite au domicile. Les parents sont là mais sans Marina ou son grand frère, soi-disant partis dans un parc d'attractions. Nouvelle visite le 1er septembre, la mère est là mais ni le père ni Marina, soi-disant partis à Paris. La fillette est déjà morte. Selon ses parents, elle est décédée dans la nuit du 6 au 7 août 2009.

Le dernier jour de Marina. "Bonne nuit maman à demain". Ce sont les derniers mots prononcés par Marina, seule, nue et grelottant de froid dans le sous-sol de la maison familiale, la nuit de sa mort, le 6 au 7 août 2009, rapportés par ses parents lors du procès.  Le président de la cour d'assises de la Sarthe interroge la mère. "Elle est morte de quoi Marina ?". Dans un sanglot, sa mère répond simplement : "de violences, de tortures".

Lundi, l'avocat général de la cour d'assises de la Sarthe a laissé la possibilité aux jurés de choisir entre les 30 ans de prison et la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 18 ans. Il a également requis 5 à 10 ans de suivi socio-judiciaire. Ses parents se sont exprimés une dernière fois avant le verdict.

"Tout au long de ce procès, je n'ai pas trouvé les mots de ce que j'ai pu faire à ma fille. Pour moi, j'étais une maman qui était cruelle envers ma fille", a dit, en larmes, Virginie Darras. Elle s'adresse ensuite à Marina, sa fille décédée: "Marina, je t'ai aimée jusqu'au jour où tout a basculé. Je t'ai humiliée jusqu'à te torturer, et toi tu nous a aidés jusqu'à nous protéger. Je ne mérite aucun pardon, surtout pas le tien Marina".